15 novembre 2013

Edmonton

Auteur : Guillaume Berwald
Titre : Edmonton
Éditeur : Leméac
Parution : 2013
Format : 149 pages

Résumé :

Depuis quelques années, la province de l'Alberta attire de nombreux travailleurs québécois qui espèrent faire un coup d'argent, l'offre d'emploi dans le domaine de la construction semblant attrayante à première vue. Les projets domicilaires sont en plein essor et les salaires relativement élevés. Le roman Edmonton de Guillaume Berwald nous fait voir l'envers de la médaille.

Ce que j'ai aimé :

Ce roman met en scène Émil, un étudiant en littérature, qui décide de suivre son frère vers l'Ouest. Ce départ l'amène à quitter sa copine et à s'éloigner de la ligne droite qui s'étendait devant lui. Exit la conformité, le jeune homme veut vivre des expériences et fuir un confort débilitant. Il sera bien servi, car le milieu albertain est loin d'être rose. Premièrement, la recherche de contrats s'avère difficile et la négociation avec l'employeur peut prendre des tournures inattendues. De plus, la solitude et l'ennui font partie du quotidien, sans compter les conditions de logement précaires. Pour compléter le tableau, plusieurs des chambreurs avec lesquels Émil demeure sont aux prises avec des problèmes de drogues dures.

« Elle regarde d'un peu plus près, et ce qu'elle voit, la pose, les quatre avec les mêmes chandails, les quatre avec les mêmes bottes, les mêmes épaules, la même saleté sur nous, nos pantalons déchirés et, dans nos yeux, cette même froide détermination, et puis toute la ruine aussi. Ils sont tous détruits, ces gars-là, tous mal rapaillés, Gaston. Alice, en voyant Zac et Stéphane et Seb et moi, les quatre cordés, comprend Edmonton. »

Heureusement, il n'y a pas que l'argent qui préoccupe Émil dans la « cité des Champions ». Malgré son départ, Émil écrit des lettres à sa copine Alice, qui viendra ultérieurement le rejoindre. L'auteur a réussi un bel équilibre en montrant la dimension amoureuse de son personnage. Entre douceur et rudesse, entre romantisme et béton, j'ai été complètement séduite par son style. Tout d'abord, j'ai adoré cette syntaxe échevelée et ce ton légèrement frondeur où le narrateur se permet des clins d'oeil au lecteur. Puis, j'ai aimé les envolées lyriques destinées à Alice, car elles gardent une certaine humilité devant ce que la vie a de plus grand : l'amour, la liberté et ses revers. J'ai trouvé que l'auteur avait du souffle, un rythme particulier qui véhicule bien l'urgence de vivre de ce tendre rebelle.

Mon seul petit bémol concerne les personnages secondaires. J'aurais aimé qu'ils soient développés davantage. La trame narrative se concentre sur les pensées intimes d'Émil et, conséquemment, ses confrères se retrouvent en périphérie. D'une certaine façon, cette approche fait aussi la force de ce roman : une vision d'Edmonton que l'on recolle morceaux par morceaux, par bribes d'images, grâce à l'évocation de souvenirs et de réflexions. En misant sur une réminiscence sensible, Guillaume Berwald évite la facilité et nous offre un roman authentique, poétique et audacieux, qui m'a agréablement surprise.

Extraits favoris :

« Je ne peux pas vous dire comment avec elle vibre, tremble une vie qui m'est chère, remarquable, dont je passerais mon temps à observer les plus subtils détails, les légers sursauts de l'âme traduits par un mouvement d'épaule, un tremblement de la voix, une main qui replace les cheveux ; boirais chaque détail à petites lampées, avec vous, par procuration, à bout de souffle, du bout des lèvres, pendu aux frémissements des secondes décantés, observées, ravissantes, qui suffisent à nourrir les âmes pour la vie. »

« Mes mains sont devenues trop râpeuses pour la saisir, la voix trop brutale, le pas trop lourd, il fait peur aux petits oiseaux. L'accès m'a été coupé, imposteur en toute posture. La toucher du regard, de très loin, me rend d'autant plus sensible, fragile. Incapable de lui dire vraiment comment Edmonton et moi, nous en sommes arrivés là, ni rien d'autre, ni rien du tout. »

Lu dans le cadre de La recrue du mois


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