6 mai 2014

Les sangs

Auteur : Audrée Wilhelmy
Titre : Les sangs
Éditeur : Leméac
Parution : 2013
Format : 156 pages

Résumé :

Sept femmes, sept histoires, comme autant de péchés capitaux. Elle se sont éprises du même homme, l'ogre Féléor Barthélémy Rü. Elles ont voulu être possédées par lui, contemplées par lui, jusqu'à la mort. Nous les découvrons à travers leur journal intime, legs posthume où elles racontent leurs désirs effrénés. En revisitant le conte de Barbe Bleue, Audrée Wilhelmy présente une réflexion sur les relations humaines, les fantasmes et les jeux de pouvoir. Une plume libertine !

Ce que j'ai aimé :

J'ai d'abord été séduite par la prose soignée, qui enfile les mots comme des petites perles de nacre. Le style d'Audrée Wilhelmy, près de l'orfèvrerie, brosse des tableaux précis, où les descriptions physiques et les costumes donnent vie à des poupées de papier. En feuilletant ce roman, on y découvre un côté organique, tel un herbier constitué de plantes, d'essences boisées et de parfums musqués. J'ai apprécié le vocabulaire étoffé, presque antique, mettant en valeur chacune de ces femmes. Aussi délicate qu'une écureuil, l'auteure semble amasser des noix enfouies dans la terre humide, dans les profondeurs des ténèbres, pour reconstituer des portraits mythiques.

Sa texture subversive, jouant avec les limites de l'érotisme, en fait un livre troublant. J'ai parcouru certains passages sur la pointe des pieds, me sentant près de basculer face à ce rapport violent au corps. Les sangs trafique aussi la notion de vérité. Les confidences des amantes, livrées sans pudeur, sont parfois contredites par la suite. J'ai imaginé la romancière, maniant un mobile à plusieurs branches, où sont suspendus les mensonges et les fabulations des différentes épouses.

J'ai aimé les contrastes présents dans le texte. Les protagonistes traversent la mince ligne entre le plaisir et la douleur, la beauté et la laideur, la raison et la folie. Ils oscillent constamment entre la pulsion de vie et de mort, la bestialité et le raffinement. C'est d'ailleurs cette force, mêlée à une volatile fugacité, qui fait la magie de ces histoires. J'ai été transportée, toute entière, et je lirai assurément son premier roman, Oss, pour retrouver cette fine écriture ensorcelée, puissante.

Extrait favori :

« Il fait noir, il doit être tard dans la nuit. Je marche pieds nus et les herbes froides me piquent les chevilles. Je porte une culotte longue et mon plus beau corset, une chemise de nuit attachée à la taille par ce ruban rose que madame Rü m'a offert. Les lucioles et les hétérocères s'agitent autour de ma lanterne, parfois je sens les coquilles des escargots s'écraser sous mes pieds dans un craquement répugnant »

6 commentaires:

  1. J'ai tout d'abord été très interpelée par ton résumé ! J'aime, de manière générale, les réécritures de contes et je trouve l'idée de celui-ci excellente. Alors quand tu me parles ensuite de plume organique, subversive et d'interrogation sur la vérité, je ne peux qu'être enthousiaste !
    Dommage que la littérature québécoise soit si peu distribuée outre Atlantique :(

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    1. C'est très intéressant les réécritures, car les archétypes des contes résonnent encore en nous. J'ai aussi aimé la réflexion sous-jacente qui est bien actuelle : le diktat de l'apparence, l'hypersexualisation, le désir de séduire à tout prix.

      Je crois que tu peux le commander sur le site de la Librairie du Québec à Paris. Bonne chance :)

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  2. Ton style est de plus en plus raffiné, je dirais délicieusement apprêté. Tu m'enchantes.

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  3. Voilà un lien qui me sera fort utile pour acquérir les romans québécois, merci !

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    1. Ça fait plaisir ! J'espère que tu feras de belles découvertes :)

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