Titre : États de femme - L'identité féminine dans la fiction occidentale
Éditeur : Gallimard
Parution : 1996
Format : 408 pages
Résumé :
En observant 250 œuvres littéraires issues de la société occidentale, de la seconde moitié du 18e siècle à la première moitié du 20e siècle, la sociologue Nathalie Heinich a repéré certaines constantes liées aux différentes figures identitaires de la femme. Son modèle repose sur deux critères : le mode de subsistance économique et la disponibilité sexuelle. À ce double paramètre s'ajoute celui de la légitimité du lien sexué. Ainsi, nous explorons l'imaginaire de la jeune fille à marier, de l'épouse et de la maîtresse, de la gouvernante et de la vieille fille. Puis, en dernière partie, l'auteure examine la « femme non liée », apparue dans l'entre-deux-guerres, qui fait éclater le système traditionnel, en détachant dépendance financière et vie sexuelle. De Jane Austen à Colette, de Daphné du Maurier à Marguerite Duras, cet essai aborde la construction de l'identité féminine d'un point de vue fictionnel, mais aussi sociologique et psychanalytique.
Ce que j'ai aimé :
En premier lieu, Nathalie Heinich s'attarde aux états de la jeune fille, qu'elle soit en marge du romanesque (fille-enfant, nymphe, amazone, religieuse) ou qu'elle y entre par son changement d'état (fille à prendre, fille laissée). Pour mon travail scolaire, j'ai retenu l'état de « fille à prendre », qui fait référence à une vierge en âge de se marier. Fiancée potentielle, elle fera son « entrée dans le monde », généralement lors d'un bal de la haute société. Offerte aux regards, elle devra apprendre à rester vertueuse. Son avenir dépendra de son habileté à faire le bon choix de mari, ou plutôt, à être bien choisie. Son état combine la passivité (pour ne pas nuire à sa réputation), l'urgence (la jeunesse étant un atout essentiel) et l'importance des enjeux. De plus, elle devra affronter le conflit entre les intérêts de sa famille et la satisfaction de ses sentiments personnels. Bref, il s'agit d'une position plutôt critique, qui a été notamment mise en scène dans les romans de Jane Austen. Dans un deuxième temps, l'essayiste analyse l'état de la femme mariée.
Je passe rapidement sur l'état de la première épouse légitime, car la singularité de cet essai se niche chez la seconde épouse. À partir du roman Rebecca de Daphné du Maurier, Nathalie Heinich dévoile le « complexe de la seconde » vivant dans l'ombre de la première. En ce sens, Rebecca est un exemple frappant, car son titre réfère au nom de la première épouse, décédée un an plus tôt, tandis que la seconde épouse demeure une narratrice anonyme. Son étude, relevant de la psychanalyse et comparant cette rivalité à un « complexe d'Œdipe féminin », démontre, par la même occasion, l'androcentrisme de la théorie de Freud. D'ailleurs, la réussite de Nathalie Heinich réside dans sa façon de révéler le sens caché, en fouillant la signification profonde et symbolique derrière les textes.
En général, j'ai trouvé cet ouvrage très intéressant, mais le fait que la majorité de ces états de femme étaient établis selon leur relation avec le monde masculin m'a contrariée. Les passages se rapportant aux femmes indépendantes ou aux figures d'écrivaines restent les plus passionnants, mais ils n'occupent qu'une mince partie du livre. En tant que jeune femme trentenaire, j'ai jugé cette recherche éclairante, car, même si elle traite surtout de la condition féminine au cours des siècles passés, elle m'a fait réaliser l'importance et la valeur de mon indépendance, en même temps que sa fragilité : « L'ancienne structuration de l'identité féminine n'est pas caduque, subsistant profondément dans l'imaginaire, notamment dans sa dimension psychique la plus intériorisée ». Dans une période où je réfléchis à mon avenir, je crois que cette lecture obligatoire pour l'école est, somme toute, tombée à point !
Extrait favori :
« De Germaine de Staël à George Sand, Colette, Virginia Woolf ou Simone de Beauvoir, les femmes écrivains sont doublement emblématiques de la femme libre qui s'affirmera à l'époque moderne. Non contentes de travailler et de gagner leur vie sans dépendre d'un homme, elles construisent par l'écriture des représentations durables et largement diffusables de ce qu'elles sont ou veulent être : en écrivant, elles proposent des figurations romanesques de leur position, et en signant, elles affirment publiquement leur identité d'écrivain. Parmi toutes les façons de conquérir l'indépendance sans renoncer à la vie amoureuse, l'écriture est un moyen privilégié, qui permet non seulement de vivre mais de représenter – au double sens des représentations imaginaires et de la représentation politique – l'état de femme non liée. »
Ce que j'ai aimé :
En premier lieu, Nathalie Heinich s'attarde aux états de la jeune fille, qu'elle soit en marge du romanesque (fille-enfant, nymphe, amazone, religieuse) ou qu'elle y entre par son changement d'état (fille à prendre, fille laissée). Pour mon travail scolaire, j'ai retenu l'état de « fille à prendre », qui fait référence à une vierge en âge de se marier. Fiancée potentielle, elle fera son « entrée dans le monde », généralement lors d'un bal de la haute société. Offerte aux regards, elle devra apprendre à rester vertueuse. Son avenir dépendra de son habileté à faire le bon choix de mari, ou plutôt, à être bien choisie. Son état combine la passivité (pour ne pas nuire à sa réputation), l'urgence (la jeunesse étant un atout essentiel) et l'importance des enjeux. De plus, elle devra affronter le conflit entre les intérêts de sa famille et la satisfaction de ses sentiments personnels. Bref, il s'agit d'une position plutôt critique, qui a été notamment mise en scène dans les romans de Jane Austen. Dans un deuxième temps, l'essayiste analyse l'état de la femme mariée.
Je passe rapidement sur l'état de la première épouse légitime, car la singularité de cet essai se niche chez la seconde épouse. À partir du roman Rebecca de Daphné du Maurier, Nathalie Heinich dévoile le « complexe de la seconde » vivant dans l'ombre de la première. En ce sens, Rebecca est un exemple frappant, car son titre réfère au nom de la première épouse, décédée un an plus tôt, tandis que la seconde épouse demeure une narratrice anonyme. Son étude, relevant de la psychanalyse et comparant cette rivalité à un « complexe d'Œdipe féminin », démontre, par la même occasion, l'androcentrisme de la théorie de Freud. D'ailleurs, la réussite de Nathalie Heinich réside dans sa façon de révéler le sens caché, en fouillant la signification profonde et symbolique derrière les textes.
En général, j'ai trouvé cet ouvrage très intéressant, mais le fait que la majorité de ces états de femme étaient établis selon leur relation avec le monde masculin m'a contrariée. Les passages se rapportant aux femmes indépendantes ou aux figures d'écrivaines restent les plus passionnants, mais ils n'occupent qu'une mince partie du livre. En tant que jeune femme trentenaire, j'ai jugé cette recherche éclairante, car, même si elle traite surtout de la condition féminine au cours des siècles passés, elle m'a fait réaliser l'importance et la valeur de mon indépendance, en même temps que sa fragilité : « L'ancienne structuration de l'identité féminine n'est pas caduque, subsistant profondément dans l'imaginaire, notamment dans sa dimension psychique la plus intériorisée ». Dans une période où je réfléchis à mon avenir, je crois que cette lecture obligatoire pour l'école est, somme toute, tombée à point !
Extrait favori :
« De Germaine de Staël à George Sand, Colette, Virginia Woolf ou Simone de Beauvoir, les femmes écrivains sont doublement emblématiques de la femme libre qui s'affirmera à l'époque moderne. Non contentes de travailler et de gagner leur vie sans dépendre d'un homme, elles construisent par l'écriture des représentations durables et largement diffusables de ce qu'elles sont ou veulent être : en écrivant, elles proposent des figurations romanesques de leur position, et en signant, elles affirment publiquement leur identité d'écrivain. Parmi toutes les façons de conquérir l'indépendance sans renoncer à la vie amoureuse, l'écriture est un moyen privilégié, qui permet non seulement de vivre mais de représenter – au double sens des représentations imaginaires et de la représentation politique – l'état de femme non liée. »
Ouch ! Cela ne ressemble pas à une lecture de divertissement, surtout pour la gente masculine.
RépondreSupprimerLe PapoU
Ce n'est pas une lecture de plage, mais je crois qu'elle peut intéresser toute personne qui veut en savoir plus sur l'histoire des femmes.
SupprimerAyant constaté la présence de ce livre à la bibli, je note! Cela m'intéresse fort, surtout qu'au moins j'ai déjà lu les romans d'Austen et du Maurier, cela leur donnera un éclairage intéressant.
RépondreSupprimerAh, je suis si heureuse que tu le notes ! Une partie importante de cet essai est consacrée à Rebecca de Daphné du Maurier. J'espère que ça te plaira :)
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