© Matthew Fournier |
La semaine dernière, je suis allée voir la transposition du roman Le joueur de Dostoïevski au théâtre. Cet ouvrage raconte l'histoire d'un jeune précepteur qui s'éprend de la belle-fille de son employeur, un général ruiné. Alors qu'il rejoint la famille à Roulettenbourg, une ville connue pour ses casinos, Paulina lui demande de jouer à la roulette pour résorber ses dettes. Fébrile à l'idée de gagner ainsi l'estime et le cœur de la demoiselle, Alexis se lance tête première dans ces jeux de hasard, sans se douter que cette passion du gain l'emportera sur sa passion amoureuse initiale.
Un roman composé dans l'urgence
La genèse de ce roman s'avère étroitement liée à son propos. En 1865, Dostoïevski signe un contrat par lequel, s'il ne remet pas un nouveau manuscrit à son éditeur dans les délais prescrits, il devra céder ses droits d'auteur. Un mois avant la date prévue, l'écrivain n'a pas écrit une seule ligne. Il dictera Le joueur en 27 jours à une sténographe, remportant de justesse ce pari risqué. Cet impératif confère au texte une atmosphère frénétique. Malgré une intrigue sommaire et des personnages frôlant la caricature – au milieu desquels le lecteur est plongé in media res –, on est soulevé par ce tourbillon fiévreux et éprouve un certain plaisir à tenter d'éclaircir les motivations de chacun. De plus, la préface nous apprend que Dostoïevski était lui-même un joueur excessif. Il y a sûrement une trace de vécu dans cet état second qu'il transmet avec brio. Pour moi, ce court roman a constitué une bonne introduction à l'œuvre de Dostoïevski et m'a permis d'en apprendre davantage sur sa vie.
La fièvre des planches
« Passer du roman à la scène n'est pas nécessairement facile. Cela demande un certain courage. Car si on approche la pièce de façon trop littérale, ça ne marche pas. Il faut faire un certain saut quantique qui doit transformer le matériel littéraire en action théâtrale », note le metteur en scène Gregory Hlady. En tournant le dos au réalisme pour adopter un registre onirique, il expose très bien le brouillard flou dans lequel s'enfonce le joueur pathologique, lorsqu'il perd tout ses repères. Les chorégraphies de Jon Lachlan Stewart apportent aussi un côté déjanté et mystérieux, qui sied à l'histoire. Approcher cette pièce par le corps m'a semblé un choix judicieux, puisque c'est par celui-ci qu'Alexis prend conscience de son état : « À ce moment précis, je compris que j'étais un joueur. Mes mains, mes pieds tremblaient, ma tête bourdonnait ». Il me faut d'ailleurs souligner la performance habitée de Paul Ahmarani dans le rôle d'Alexis Ivanovitch, cet homme aliéné par l'amour et la roulette. Malgré tout, la pièce n'est pas dénuée d'humour. Danielle Proulx incarne une babouchka mordante et allumée. Je ne pouvais rêver mieux : du théâtre qui fait découvrir un classique russe, s'en inspire et le prolonge, tout en évitant de platement coller au texte.
Un roman composé dans l'urgence
La genèse de ce roman s'avère étroitement liée à son propos. En 1865, Dostoïevski signe un contrat par lequel, s'il ne remet pas un nouveau manuscrit à son éditeur dans les délais prescrits, il devra céder ses droits d'auteur. Un mois avant la date prévue, l'écrivain n'a pas écrit une seule ligne. Il dictera Le joueur en 27 jours à une sténographe, remportant de justesse ce pari risqué. Cet impératif confère au texte une atmosphère frénétique. Malgré une intrigue sommaire et des personnages frôlant la caricature – au milieu desquels le lecteur est plongé in media res –, on est soulevé par ce tourbillon fiévreux et éprouve un certain plaisir à tenter d'éclaircir les motivations de chacun. De plus, la préface nous apprend que Dostoïevski était lui-même un joueur excessif. Il y a sûrement une trace de vécu dans cet état second qu'il transmet avec brio. Pour moi, ce court roman a constitué une bonne introduction à l'œuvre de Dostoïevski et m'a permis d'en apprendre davantage sur sa vie.
La fièvre des planches
« Passer du roman à la scène n'est pas nécessairement facile. Cela demande un certain courage. Car si on approche la pièce de façon trop littérale, ça ne marche pas. Il faut faire un certain saut quantique qui doit transformer le matériel littéraire en action théâtrale », note le metteur en scène Gregory Hlady. En tournant le dos au réalisme pour adopter un registre onirique, il expose très bien le brouillard flou dans lequel s'enfonce le joueur pathologique, lorsqu'il perd tout ses repères. Les chorégraphies de Jon Lachlan Stewart apportent aussi un côté déjanté et mystérieux, qui sied à l'histoire. Approcher cette pièce par le corps m'a semblé un choix judicieux, puisque c'est par celui-ci qu'Alexis prend conscience de son état : « À ce moment précis, je compris que j'étais un joueur. Mes mains, mes pieds tremblaient, ma tête bourdonnait ». Il me faut d'ailleurs souligner la performance habitée de Paul Ahmarani dans le rôle d'Alexis Ivanovitch, cet homme aliéné par l'amour et la roulette. Malgré tout, la pièce n'est pas dénuée d'humour. Danielle Proulx incarne une babouchka mordante et allumée. Je ne pouvais rêver mieux : du théâtre qui fait découvrir un classique russe, s'en inspire et le prolonge, tout en évitant de platement coller au texte.
Le joueur de Fédor Dostoïevski. Mise en scène de Gregory Hlady. Au Théâtre Prospero jusqu'au 20 février 2016.
Fédor Dostoïevski, Le joueur, Gallimard, 2014 [1866], 251 pages.
Belle introduction à l'oeuvre de Dostoïevski ! C'est vrai que les liens avec la vie de l'auteur sont intéressants et donnent envie d'en savoir plus. Et j'aime beaucoup la comédienne Danielle Proulx !
RépondreSupprimerDanielle Proulx était excellente ! Lorsqu'il s'agit d'une adaptation, je lis souvent le roman avant d'assister à la pièce. J'aime voir comment l'argile littéraire est transformée sur scène :)
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