16 février 2013

L'annulaire

Auteur : Yoko Ogawa
Titre : L'annulaire
Traduction : Rose-Marie Makino-Fayolle
Éditeur : Actes Sud
Parution : 1999
Format : 95 pages

Résumé :

Une jeune femme perd un bout de son annulaire gauche lors d'un accident à l'usine et doit quitter son emploi. Par la suite, elle se fait engager comme réceptionniste dans un étrange laboratoire de spécimens. C'est un grand édifice désert, ayant autrefois servi de pensionnat pour jeunes filles. Le patron, M. Deshimaru, y conserve divers objets pour des clients désirant se délester des souvenirs qui s'y rattachent.

De façon insidieuse, la narratrice tombe sous l'emprise de son patron. Il lui offre une paire de chaussures noires qu'elle doit porter en tout temps. Le curieux taxidermiste est également fasciné par l'annulaire amputé de son employée. Bref, tout est réuni pour créer une ambiance insolite où planent le mystère et le malaise.

Ce que j'ai aimé :

-Première rencontre avec l'auteure japonaise Yoko Ogawa, que je voulais découvrir depuis un bon bout de temps. Je m'attendais à ce style flottant et particulier, mais j'ai été agréablement surprise de constater qu'il n'est pas aussi froid et clinique que je l'imaginais. Il y a un élément de chaleur nostalgique apporté par les vieux objets, les histoires racontées par les clients, les deux dames âgées qui habitent toujours l'édifice. Ça crée un certain équilibre avec les passages plus inquiétants.

-Le coeur du roman est dominé par ce sentiment d'oppression qui progresse peu à peu. La narratrice est une jeune femme isolée, qui va trouver du réconfort dans cette relation ambiguë avec son patron. Elle sent qu'il y a quelque chose qui cloche dans le caractère autoritaire et obsessif du naturaliste, mais elle reste, comme un animal pris au piège. C'est ce qui est dérangeant dans ce livre.

-Cette histoire m'a fait penser au syndrome de Stockholm, qui est défini par la sympathie que développe un otage envers son ravisseur. Le fait de partager un lieu commun et une certaine intimité durant une longue période serait favorable à ce phénomène. C'est un peu ce qui se produit ici. Flairant le danger, la jeune femme demeure admirative et hypnotisée par son supérieur, comme engloutie dans une dense glaise.

-Il y a aussi un côté sensuel, organique et ravagé : des champignons, une marque de brûlure sur la peau, un squelette d'oiseau, des cheveux mouillés par la pluie. Un autre aspect qui ajoute de la texture au texte.

-Bref, j'ai trouvé ce roman intéressant pour la psychologie des personnages, pour son ambiance bizarre et pour le style d'écriture qui découpe des images précises, s'imprimant sur la rétine. Je relirai certainement cette auteure à l'occasion.

Extraits favoris :

« Nous sommes restés un moment silencieux. J'ai pensé modifier discrètement la position de mon doigt, mais plus j'en avais conscience, plus son extrémité était raide. L'oeil de M. Deshimaru ne semblait pas vouloir se détacher de lui. »

« J'ai acquiescé en appuyant ma joue contre sa blouse blanche au niveau de sa poitrine. Il n'a rien dit de plus. Nous étions restés tellement longtemps sans bouger que j'avais l'impression d'avoir été transformée en un spécimen incorporé à lui. »

8 commentaires:

  1. J'ai lu 2 livres d'elle et j'ai adoré "La pièce hexagonale" et "La formule préférée du professeur". Je vais continuer à la lire, donc, je note ce titre avec intérêt.

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    1. @ Kikine : J'espère qu'il te plaira. Cette histoire de pièce hexagonale m'intéresse. Je note pour une prochaine fois !

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  2. Ogawa est une auteure que j'aime bien lire. J'en ai lu que trois d'elle par contre dont L'annulaire. Je crois que c'est celui-ci que j'ai préféré en plus !

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    1. @ Marguerite : Je suis ravie que tu aimes cette auteure. C'est vrai qu'elle a une manière particulière de décrire une scène. Elle me fait penser à quelqu'un qui fait de la plongée sous-marine. Silencieux, flottant, mais intense et fascinant dans son regard et son ressenti.

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  3. Une blogamie m'a récemment offert Les tendres plaintes de la même auteure, que j'ai lue à deux reprises déjà. J'ai hâte de m'y plonger! :)

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    1. @ Lucie : C'est la première fois que j'entends cette expression, blogamie, c'est joli !

      J'aime bien la couverture de ce roman, Les tendres plaintes. Merci pour la suggestion. Je la garde en tête :)

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  4. Topinambulle : J'aime bien comment tu décris son écriture. C'est tout à fait ça ! Mais, elle a aussi écrit des romans plus "trash" qui, je l'avoue, m'effraient un peu :)

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    1. @ Marguerite : Merci de ton gentil mot.

      Ah, si c'est trop trash, je ne crois pas que j'aimerais. Genre sado-maso, très peu pour moi :P

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