21 octobre 2015

Le peintre d'éventail

Auteur : Hubert Haddad
Titre : Le peintre d'éventail
Éditeur : Gallimard
Parution : 2013
Format : 180 pages

Résumé :

Après avoir assisté à l'accident d'une femme, Matabei, un peintre abstrait de Kobe, se retire à l'ermitage de Dame Hison ; un lieu protégé par le silence du vent, où se sont rassemblés des gens esseulés. Il y rencontrera le maître Osaki, un vieux jardinier, qui transpose la beauté de la nature sur des éventails. Celui-ci lui apprendra l'art du haïku, au rythme des saisons, en observant un simple espace qui contient, à lui seul, tous les paysages. Matabei transmettra son savoir à Xu Hi-han, le jeune cuisinier de la pension, mais l'arrivée d'Enjo, une nouvelle locataire, viendra chambouler l'équilibre de ce petit paradis. Imperceptiblement, un ciel d'apocalypse se prépare.

Ce que j'ai aimé :

Dans Le peintre d'éventail, Hubert Haddad a façonné son matériel narratif à l'image d'un jardin. Des phrases élancées s'écoulant en cascade, cadencées par des virgules vertigineuses, tel un ruisseau contournant des pierres mousseuses, nous entraînent dans leur sillon. En retour, les replis mystérieux des masses arbustives se reflètent dans le caractère à demi dissimulé des personnages, qui retentiront en pleine lumière pour mieux se dérober. « L'art de la dissimulation et de la révélation par étapes au gré de la promenade était poussé à son comble, cela à travers toutes les directions du jardin, lequel semblait bel et bien y gagner les proportions et la complexité d'un labyrinthe ». Haddad convie le lecteur à une marche exigeante et flottante, loin du style épuré auquel on pourrait s'attendre, mais qui nous laisse haletant devant ce tableau délavé et incendiaire d'une grande beauté. Il m'a fallu m'accrocher, mais finalement, j'ai beaucoup apprécié la réflexion sur l'impermanence des choses et sur la souveraineté de la nature.

La disposition des protagonistes ne semble pas avoir été laissée au hasard. La transmission de l'art entre le jeune apprenti Xu Hi-han, le passeur Matabei et le vieux maître Osaki rappelle le principe des trois profondeurs de l'aménagement d'un jardin japonais (avant-plan, plan intermédiaire, plan lointain). De plus, le roman s'ouvre et se clôt par le témoignage de Xu Hi-han, comme si ce dernier encadrait le récit telles les deux baguettes de bois d'un éventail. Entre ces panaches, le texte se divise en courts chapitres, autant de fondus au noir entre les événements, de pliures, de cassures. Du tremblement de terre de Kobe en 1995 au tsunami de 2011, l'auteur effleure les catastrophes ayant secoué le Japon. À plus petite échelle, il évoque les soubresauts d'un désir insaisissable. Sans que ce soit trop appuyé, Haddad met en parallèle la fragilité et l'intemporalité de la vie, à travers un esprit paisible et halluciné.

Un immense merci à Lili pour cette belle découverte ! :)

Extrait favori : 

« Mon seul rôle, dans toute cette histoire, consiste à transmettre aux amateurs ces trésors irradiés – que leur auteur s'appelle Osaki Tanako ou Matabei Rein. La vie est un chemin de rosée dont la mémoire se perd, comme un rêve de jardin. Mais le jardin renaîtra, un matin de printemps, c'est bien la seule chose qui importe. Il s'épanouira dans une palpitation insensée d'éventails. »


8 commentaires:

  1. C'est mon premier Haddad et bien que ce soit une excellent roman, je ne sais pas si je relirai l'auteur. Il faut une tête reposée pour le suivre! :P)

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    1. C'est vrai qu'il demande un effort de concentration soutenu. Il m'a fait sortir de ma zone de confort ;)

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  2. Ahh mais quel magnifique billet, ma Topi ! Je suis heureuse que sa poésie naturelle et ciselée ait su te toucher et te ravir !

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    1. Merci à toi ma chère Lili pour la découverte de cette plume fascinante ! Sa beauté m'a subjuguée :)

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  3. C'est beau hein! J'ai adoré aussi!

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    1. Oui, c'est magnifique ! Et ça donne envie d'aller au Japon pour s'imprégner de cette ambiance zen ;)

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  4. Un magnifique roman que j'ai adoré. J'ai hâte de lire "Mâ".

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    1. Mā semble être dans la même lignée. Son invitation au recueillement m'attire aussi ! :)

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