10 novembre 2013

Jérôme Borromée

Auteur : Guillaume Bourque
Titre : Jérôme Borromée
Éditeur : Boréal
Parution : 2013
Format : 216 pages

Résumé :

Si vous aimez la littérature légèrement transgressive, épinglant le factice des relations humaines, ce roman est pour vous. Guillaume Bourque s’y intéresse en effet aux jeux de pouvoirs  altérant les amitiés masculines. Dans une série de portraits, il met en scène Jérôme Borromée, un jeune adolescent de banlieue, ainsi que ces copains, qu’il a soit adulés pour parvenir à une réussite professionnelle, soit subordonnés pour assouvir ses besoins sexuels. Dérangeant par moments, ce roman d’apprentissage m’a séduite plus par sa forme que son sujet, mais il reste néanmoins d’une originale lucidité.

Ce que j'ai aimé :

-En matière de personnage principal, Jérôme Borromée est plutôt détestable. Cruel, opportuniste, il entretient un vif dégoût envers lui-même et les gens de son entourage. Le décor adhère à une fiction suburbaine, surtout présente dans la littérature américaine, où l’on retrouve cigarette, alcool et petits méfaits. Pour tromper l’ennui, les luttes d’égo jaugent la richesse, le savoir et la popularité de l’autre.

« C’était enfin terminé pour vrai, cette bataille déguisée en amitié, cette relation où tu tolérais de te faire arracher les plumes par un déplumé pour ensuite le laisser parader devant ta chair de poule. » 

-Les pulsions érotiques de Jérôme Borromée troublent particulièrement, car elles s’inscrivent dans un rapport de force, imposé à l’autre et nié par la suite. La narration au « tu » ajoute un détachement supplémentaire.  L’ambiguïté sexuelle chez les adolescents demeure un thème peu exploré, mais la façon dont il est abordé n’est pas arrivé à me rejoindre. L’auteur a le mérite de soulever la question, mais je crois qu’il réussit son pari plus brillamment en traitant des aspirations sociales.

-Jérôme rêve de devenir un grand scénariste et un écrivain célèbre. Pour se faire, il se colle à divers personnages, tels qu’un ami comédien, une réalisatrice et un professeur d’université. Ces portraits, tantôt drôles ou touchants, sont savoureux et ludiques, d’autant plus que l’auteur ose des références culturelles et des démesures surprenantes, allant jusqu’à soutenir des théories littéraires au chevet du lit d’hôpital de son ancien directeur de maîtrise.

-J’ai aimé la forme de ce roman par nouvelles. Avec des titres évocateurs comme « Carry Scott en sept actes », « Sylvette Lamothe et tes visées » ou « Alex dans la mythologie des derniers », on constate la cruauté, la tension dramatique et l’effet de chute caractéristiques de la nouvelle. Ces confessions par fragments permettent un agencement non-linéaire de l’histoire qui s’avère très intéressant. La narration à la deuxième personne joue un rôle pertinent, sorte de monologue accusateur envers ses actes passés et ce qu’il est devenu. Car, bien sûr, Jérôme ne deviendra ni un grand scénariste, ni un écrivain célèbre.

« Tu as été enfant, tu l’es encore, et bientôt tu deviendras papa », raconte-t-il. « C’est la manière la plus facile de retrouver tes origines, ces origines qui te permettent encore parfois de ressentir quelque chose de familier quand tu dis « moi ». Tu vas là d’où tu viens, à Boucherville. » 

-Bref, il s'agit d'un roman bien construit, mais dont le thème ne m'a convaincue qu'à moitié.

Extrait favori :

« Tu remarques une offre d'emploi collée au mur. Monsieur Patates est à la recherche d'un cuisinier. C'est un travail qui t'irait bien. C'est chez Ketchup, à Boucherville, que tu as été le plus heureux comme employé, entouré de visages tous familiers, à faire des tâches automatiques. Tu te contentais d'attendre tes petits joints de fin de soirée et personne n'espérait quoi que ce soit de toi, sinon des frites et des hot-dogs. C'était avant que tu te mettes à vouloir devenir scénariste. Avant les échecs. Avant cette vie de troisième choix, ta vie de maintenant, celle où tu réussis presque à espérer cette progéniture qui te permettra de revivre Noël comme un enfant. »

Lu dans le cadre de La recrue du mois


4 commentaires:

  1. Je suis intriguée de le lire, en fait je l'ai commandé et je l'attend. Je ne sais pas, il y a quelque chose qui m'attire-rebute dans ce roman et je suis curieuse. Je verrai bien!

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    1. En effet, il y a une dualité dans ce bouquin, vu le rôle victime-bourreau de Jérôme. Cela m'a laissée ambivalente, mais j'espère que ton expérience sera meilleure que la mienne. Au plaisir de lire ton avis ! :)

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  2. Si tu as été convaincue à moitié moi je le suis à moitié de ta moitié. Au quart, ce qui fait dire à mon corps : "Va en lire d'autres".

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    1. Ce n'est pas inintéressant, mais j'ai eu de la difficulté avec les motifs et le cynisme du personnage principal. Disons que je ne voudrais pas avoir Jérôme Borromée comme ami ;)

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