Colis 22

Auteur : Marsi
Titre : Colis 22
Éditeur : La Pastèque
Parution : 2014
Format : 160 pages

♥

Résumé :

Employé par une entreprise de coursiers à vélo nommée Système So, Pluton pédale à toute vitesse dans les rues sinueuses de la ville de Québec, afin de livrer des colis. Pressé, le cyclomessager doit répondre aux exigences des clients ayant recours au service photonique, le plus rapidement possible. Loin de se douter des embûches à venir, il devra, en plus d'éviter les voitures stationnées, déjouer une bande de durs à cuire, qui s'élancent à ses trousses. Ceux-ci désirent récupérer le colis 22, un paquet mystérieux et très recherché. Avec beaucoup d'agilité, le bédéiste québécois Marsi tisse un suspense qui nous tient en haleine, tout en restant sympathique et intelligent. Une réussite !

Ce que j'ai aimé :

Dès les premières pages de Colis 22, le lecteur est confronté à deux sphères : le décor réaliste de la ville de Québec et l'univers déjanté de Système So, une compagnie où les cyclomessagers portent des noms de planète. Grâce à ce monde où l'imaginaire côtoie le réel, nous avons l'impression que Pluton et sa bande forment un clan à part, un milieu secret de coursiers à vélo auquel nous sommes graduellement initiés. Puis, on découvre petit à petit les personnages, constituant une troupe chaleureuse et solidaire. Pluton, Mercure, Neptune et Sergio D'Io s'avèrent semblables à d'autres jeunes adultes. Ils aiment faire la fête, ont décroché un premier boulot et recherchent l'amour. J'ai adoré cette alternance entre leur quotidien décontracté et l'intrigue principale, qui fait basculer leur destin dans un thriller prenant et drôle jusqu'à la fin.

Marsi a effectué un travail très précis, qui nous incite à s'attarder sur chaque planche. J'ai eu un plaisir fou à déceler les références urbaines (Librairie Pantoute, Château Frontenac, place d'Armes), les références culturelles (des allusions à Hitchcock, le maître du suspense, et au genre hard-boiled) et scientifiques (astronomie, physique). On retrouve également des enseignes de commerces existants (Tapis Béliveau, Taverne Jos Dion) et fictifs (Québec BBQ, Bicyclettes Komette). Son dessin démontre une attention aux détails assez phénoménale, mêlant encore une fois réalité et fiction. Pour le lecteur, c'est un bonheur de reconnaître des éléments de la culture populaire, des indices subtils ou de se faire ouvrir grand les portes du château pour admirer son décor raffiné.

Sur le plan de la composition, j'ai apprécié l'utilisation pertinente des cases : verticales lors de l'introduction d'une femme grande et mince (p. 138) ou d'une structure en hauteur (p. 110), carré délimitant une pièce de l'appartement (p. 59). Tout comme dans Miam Miam Fléau, l'action est habilement découpée pour créer une impression de mouvement. Si la forme séduit, le fond ne cherche pas à véhiculer une morale, mais on ne peut s'empêcher d'y voir une belle réflexion sur le temps et l'entraide, le tout traversé d'un humour convivial. Avouez que, pour un suspense, cela étonne ? En fait, cet album a été pour moi un enchaînement de surprises et de jolies trouvailles. En imbriquant le genre du thriller à un univers de cyclomessagers, Colis 22 nous offre une oeuvre riche et astucieuse qui confirme l'apport original de Marsi à la BDQ. Bravo !

Extrait favori :

« Tu vois, mathématiquement, tout en s'en approchant, un projectile peut ne jamais atteindre sa cible. [...] Si tu évoluais dans un univers de fractions pures, jamais ton vélo aurait frappé la remorque !  [...] Prenons les gens dans cette auto, leur portière et tout. Si cet accident est arrivé, c'est parce qu'on vit dans un monde microscopiquement fini. Les contacts sont inévitables ! »