Le vertige des insectes

Auteur : Maude Veilleux
Titre : Le vertige des insectes
Éditeur : Hamac
Parution : 2014
Format : 186 pages

Résumé :

Suite à la mort de sa grand-mère, Mathilde ressent une grande nostalgie. Elle semble traversée par les courants, emportée par la débâcle, devant le miroir craqué des souvenirs. Tandis que sa copine quitte pour un stage de six mois au Yukon, elle plonge dans une vaste solitude, laissant fondre les projets inachevés. Seul son désir d'avoir un enfant subsiste, se juxtaposant avec les images de son petit frère, décédé en bas âge. Tel un corbeau surplombant une mer radieuse, on perçoit le danger terré derrière les journées vagues et la vacuité moite. Premier roman de Maude Veilleux, Le vertige des insectes rappelle un mélange entre Brigitte Bardot et David Lynch, où la sensualité rencontrera une étrangeté virulente.

Ce que j'ai aimé :

Mon avis est plutôt mitigé sur ce roman, car j'ai nettement préféré son style à l'histoire qu'il raconte. Selon moi, la force de ce livre se situe sur le plan de l'atmosphère qu'il parvient à installer. Maude Veilleux nous enveloppe dans une ambiance tactile et capiteuse, à travers laquelle les personnages semblent nager au ralenti. Ces gestes différés et voluptueux, ce contact flou et presque ivre avec leur environnement, m'ont fascinée. J'ai aimé cette langueur, cette chaleur, qui transpire naturellement par les pores des mots. Si l'oeil du narrateur omniscient pouvait se substituer à une caméra, il cadrerait des plans rapprochés, suivant de près les mains, les pieds, la peau des protagonistes, jusqu'au moindre frémissement. Outre cette sensation de mouvement escorté, on constate aussi l'importance des objets, tout particulièrement les photographies. Elles permettent à Mathilde de révisiter son passé, d'apprivoiser le deuil de ses proches et de son enfance. J'ai aimé le contraste entre ses distractions, son immobilité, et ces multiples aléas qui s'agitent autour d'elle, formant le côté vertige de sa plume très évocatrice.

De manière insidieuse, tel un poison, la présence de la mort et la notion du mal s'infiltrent dans le récit. Mathilde est ébranlée par des cauchemars, des hallucinations. Pour symboliser cette invasion sournoise, on retrouve des insectes, aussi fuyants et durs à cerner que les angoisses de Mathilde. Au fil de ma lecture, je me suis lassée de cette apathie, de l'air qui s'alourdit. J'aurais souhaité que les personnages secondaires lui viennent en aide, mais ils restent de simples figurants, à la psychologie très peu développée. En fait, tout ce qui concerne le triangle amoureux entre Mathilde, Thomas et Marion m'a plutôt agacée, car il dévoile la cruauté de l'héroïne. Puis, j'ai été surprise par le dénouement brutal de l'histoire. Malgré quelques indices antérieurs, cette conclusion m'a paru assez fortuite. La dernière image demeure forte et efficace, mais disons qu'elle ne cadre pas avec mes goûts personnels. Même si l'aspect insecte du récit m'a indisposée, je surveillerai la prochaine publication de cette auteure, car elle possède un style impeccable.

Extraits favoris :

« L'assemblée se leva pour saluer le passage des porteurs. Mathilde fit de même, emportée dans le bruit sourd du parquet craquant. Les garçons posèrent le cercueil sur un chariot, puis allèrent rejoindre leurs parents dans les bancs. Un coussin de fleurs composé d'oeillets blancs, de lys et de roses ornait le dessus du coffre de bois verni. Un arrangement peu complexe, mais joli. »

« Depuis février, elle espérait le printemps vert, l'arrivée des bourgeons et les crocus. Ses cheveux lissés vers l'arrière en un chignon lui donnaient l'air d'une ballerine, mais ses yeux noircis et les cicatrices sur ses genoux lui enlevaient de la douceur. Elle dansait sur du silence. »