Titre : Dagaz
Éditeur : Leméac
Parution : 2014
Format : 173 pages
Résumé :
Suite à la publication d’un
premier recueil de nouvelles, Quand les guêpes se taisent, récipiendaire
du Prix du Gouverneur général en 2013, Stéphanie Pelletier nous revient avec un
premier roman cet automne, intitulé Dagaz. On retrouve certaines
thématiques rencontrées dans ses récits brefs : les relations hommes-femmes, la
filiation, la vie en région. Cette deuxième parution lui permet d’approfondir
encore davantage la part impénétrable de la psyché féminine, tout en laissant une
grande place aux paysages maritimes et champêtres du Bas-Saint-Laurent. Un récit puissant !
Ce que j'ai aimé :
Ce que j'ai aimé :
Le mot qui me vient à
l’esprit pour résumer ce livre est « fantômes ». D’un côté,
Isabelle est hantée par la disparition de sa grand-tante Violette, qui a quitté
subitement son village en 1972. Même si elle ne l’a pas connue personnellement,
elle cherche à comprendre le mystère entourant son départ. Par ailleurs, Isabelle
doit affronter ses « fantômes » intérieurs. Mariée depuis douze ans
avec Pierre, elle est troublée par les sentiments qu’elle développe envers
Martin, un ami d’enfance revenu s’établir dans la région. Avant même que
l’adultère ne soit consommé, elle annonce ses pensées infidèles à son conjoint.
Ce dernier partira travailler dans le Nord pendant quatre mois, au terme
desquels elle devra choisir entre lui et son amant. Souffrant de la pression
psychologique que Pierre lui fait subir malgré la distance, elle se sent immobilisée,
étrangère à elle-même.
« Martin ou Pierre.
Pierre ou Martin. Il me semble qu’à force de me fondre en eux, de ne penser
qu’à eux, j’ai bifurqué de moi. Tout le monde me fait bifurquer de moi. Je ne
suis que la somme des autres. »
Voilà un livre où une femme est habitée par les absents, les questions non résolues, jusqu’à se perdre et se dissoudre dans le doute. Plusieurs psychanalystes, tels que Carl Gustav Jung ou Françoise Dolto, se sont penchés sur les effets que les secrets de famille peuvent véhiculer à travers les générations. Nos choix de vie seraient influencés par la longue chaîne d’ancêtres qui nous ont précédés. Avec ce premier roman, Stéphanie Pelletier explore comment le silence et les non-dits entourant la violence faite aux femmes se transmettent dans une lignée familiale. Ce thème permet à l’auteure de développer un personnage complexe, mais il apporte aussi une ambiance ésotérique.
Sondant les champs de l’inconscient et de l’intuition, elle insuffle un côté ensorcelé et divinatoire aux destins de ses protagonistes. Ceux-ci sont encerclés d’une nature sauvage, balayée par le fleuve et les grands vents. En apercevant un lièvre portant le symbole de la rune Dagaz, Isabelle sera invitée à provoquer un changement dans son existence : « Dagaz est la rune de l’aube, de la lumière et de l’éveil ». Elle éprouvera le besoin de se reconstruire, de trouver sa place dans le monde, de défaire les nœuds qui la retiennent captive. Résoudra-t-elle l’énigme de sa grand-tante Violette ? Là n’est pas l’essentiel de sa quête. Elle se loge plutôt dans le fil d’Ariane que cette histoire parallèle lui permettra de dénouer, afin de poursuivre son cheminement personnel.
Avec ce roman de la mémoire, des liens invisibles, de l’errance intérieure et de la renaissance, Stéphanie Pelletier nous offre un opus fort réussi en cette rentrée littéraire. Il séduit par son style clair-obscur, ses enchevêtrements mystérieux et fauves.
Extrait favori :
« Pierre et moi ne sommes pas mus par le même souffle de vie. Il veut montrer quand j'ai besoin de ressentir. Il veut prouver quand je ne demande qu'à être. Il veut posséder alors que je me contente de désirer. Quand je pense à lui, je vois des structures d'acier, du béton, des choses que l'on croit immuables mais qui finissent toujours pas casser. Je voudrais pouvoir imaginer mon avenir comme un mouvement perpétuel, comme des rivières débordantes, des plantes envahissantes qui fouillent la terre et réveillent des insectes grouillants. J'aspire à une existence qui évolue au rythme de la vie même, à un destin organique qui enlace, rampe, se glisse sans jamais se laisser déporter des étoiles et de l'infini. Je cherche depuis des années la fissure de Pierre afin d'y glisser mes tiges verdoyantes, mais au milieu de ses murs je me perds et m'assèche. »
Lu dans le cadre de La recrue du mois
Contente que tu aies aimé! Ton extrait favori est représentatif du livre. J'ai aimé sa poésie, l'introspection d'Isabelle, son rythme... Bref, un petit roman qui bouge! Un excellent billet... j'aimerais pouvoir exprimer ma pensée aussi bien que toi Topi! :)
RépondreSupprimerOui, j'ai beaucoup aimé ! C'est vrai que ça bouge, malgré le côté introspectif. Merci de ta belle visite, Julie :)
SupprimerAh, tes commentaires de lecture toujours aussi précis. Il n'y a pas à dire mais je le dirai, on sait à quoi s'en tenir après avoir lu un de tes billets.
RépondreSupprimerMerci Venise ! Ton commentaire me fait chaud au coeur :)
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