« Il y a des choses qui se passent la nuit entre un homme et une femme et qui font que tout le reste n'a plus aucune importance ! »
Nouvelle-Orléans, fin des années 40. Il fait chaud, le jazz coule à flots, les chats hurlent dans la rue. Blanche DuBois arrive chez sa sœur Stella et son beau-frère Stanley Kowalski, après la perte du domaine familial et de son emploi. À bout de nerfs, l'aristocrate déchue s'installe dans leur appartement délabré. Étalant ses belles robes et ses perles, prenant des bains chauds, elle dédaigne les manières rustres de Stanley. Rapidement, une tension augmente entre Blanche DuBois, la fragile mythomane, et Stanley Kowalski, le macho dominant, ce dernier suspectant qu'elle cache un secret.
Chez Tennessee Williams, le désir mène à la folie, la ruine. Il côtoie la violence et courtise même la mort. Ainsi, Stella tolère les gestes abusifs de Stanley, en raison d'une grande attirance physique. De son côté, le désir de Blanche ne sera pas partagé par son mari, qui se suicide lorsqu'elle découvre son homosexualité. Par la suite, elle accumulera les aventures avec de nombreux hommes et perdra sa réputation. Dans ce grand classique du théâtre américain, l'image du désir demeure assez sombre. Il ne semble positif que dans la sublimation : désir d'une vie meilleure, admirateurs imaginaires. J'ai abhorré le caractère colérique de Stanley, mais j'ai adoré la complexité du personnage de Blanche. Aussi hautaine qu'insécure, charnelle qu'angélique, elle permet de réfléchir à la stigmatisation dont pouvait souffrir une femme considérée légère à cette époque.
Tennessee Williams, Un tramway nommé désir, 10/18, 288 pages.
Adaptée au cinéma par Elia Kazan en 1951.
Reprise au Théâtre Espace Go, du 12 au 23 janvier 2016.
Azami
« Je m'appelle Azami. Je suis la fleur qui berce la nuit. Pleure, pleure dans mes bras. L'aube est loin encore. »
Si le désir restait souvent sans amour chez Williams, Aki Shimazaki nous présente un couple qui s'aime, tout en étant sexless. Mitsuo, un jeune trentenaire travaillant comme rédacteur pour une revue, n'a plus de relations sexuelles avec sa femme depuis trois ans. Pour combler ses besoins, il fréquente des salons érotiques. Un jour, en allant dans un bar sur l'invitation d'un ami, il renoue avec son amour de jeunesse, Mitsuko, devenue prostituée. À l'inverse de Williams où le désir devient destructeur, il se fait ici salvateur, car la redécouverte de la sensualité avec Mitsuko permet à Mitsuo de surmonter sa panne d'attirance physique envers sa femme, telle une renaissance : « Ce drame chaotique m'a enfin amené à reprendre une vie normale avec ma femme que j'aime toujours ».
Servi par une plume épurée, tout en retenue et en suggestion, le registre s'avère plus doux. Aki Shimazaki maîtrise l'art d'en dire plus avec moins. Chaque mot est pesé, il n'y en a pas un de trop. Les personnages parlent peu, mais leurs silences sont évocateurs. L'érotisme se dévoile grâce à « quelques mèches de cheveux noirs tombant sur [une] nuque blanche ». On sent qu'elle ne condamne pas le métier d'entraîneuse. Elle porte plutôt son regard sur ces hommes qui travaillent trop et négligent leur couple, recherchant la solution facile dans les pink-salon. N'ayant pas lu les pentalogies précédentes, c'était ma première rencontre avec cette écrivaine. Je suis demeurée légèrement sur ma faim avec ce premier tome, mais j'ai vraiment envie de lire la suite. Une très belle découverte !
Aki Shimazaki, Azami, Leméac, 2014, 136 pages.
Lu dans le cadre du Challenge écrivains japonais
tiens, c'est amusant, je fais moi aussi des liens comme toi entre deux lectures. J'ai fait un post sur mon blog sur ce thème cette semaine justement! (cf de l'un à l'autre)
RépondreSupprimerMerci Myrthe. Je vais aller lire ton billet à l'instant ! Ravie de découvrir ton blog par la même occasion :)
SupprimerEncore une fois, tu me donnes envie ! "Un tramway nommé désir" fait partie de ces classiques que je connais sans connaître (je m'en rends compte en lisant ton résumé) et surtout, je n'ai jamais lu ! Il semble très sombre mais très attirant aussi. Quant à "Azami", franchement, je n'ai jamais eu envie de me plonger dans les romans de Shimazaki mais en quelques mots, tu réussis à me faire changer d'avis :D
RépondreSupprimerJe suis dans une passe "théâtre" ces jours-ci ;) J'ai vu cette pièce cet hiver et le personnage de Blanche m'a vraiment touchée. Elle est complexe. J'espère que tu te laisseras tenter ! Tu participes au Challenge japonais toi aussi :) J'ai bien aimé Azami, même si je l'ai trouvé un peu court. Une écriture tout en finesse qui évoque le Japon contemporain, mais sans tomber dans l'exotisme. Bises Lili :)
SupprimerJ'ai vu les livres d'Aki Shimazaki au salon du livre. J'ai noté son nom car son univers me semblait intéressant.
RépondreSupprimerOh chouette, je vois sur ton blog que tu as rencontré des auteurs québécois à Paris ! C'est super :) J'ai beaucoup apprécié l'écriture minimaliste d'Aki Shimazaki. Ce roman s'avère assez court, mais il m'a donné envie de poursuivre ma découverte. Bonne fin de semaine Kidae :)
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