29 février 2016

Mérédith : l'éclosion du papillon

© Sébastien Johnson

Mérédith évolue dans un monde aseptisé, organisé, où la politesse remplace l'authenticité. Toujours bien maquillée et tirée à quatre épingles, elle se rend au travail comme si elle traversait un champ de bataille. Elle esquive les mesquineries de ses collègues et s'isole dans son cubicule. Elle érige des murs qui renforcent sa solitude. Puis, un certain matin, sous la forme d'un bouillonnement, une déclaration d'amour inattendue viendra la bouleverser. Mais, d'où provient cette voix qui lui susurre des « Besame mucho » ? Grâce à un humour fin et une imagination débordante, le texte de Marie-Christine Lavallée nous permet de suivre la sublime transformation de Mérédith, cette célibataire névrosée qui s'ouvrira graduellement à la vie et à l'amour. La comédienne Geneviève St Louis, dans ce monologue d'une grande richesse littéraire, nous fait partager un moment de pur plaisir et de poésie, par sa présence très naturelle.


© Sébastien Johnson

La scénographie, signée par Éric Aubertin et Ludger Côté, évoque aussi bien la décoration épurée d'un condo moderne que l'aspect impersonnel d'un bureau au sein d'une firme multinationale. Ce cadre dépouillé permet au public de se concentrer sur la langue touffue et fleurie du texte. Les jeux de mots et les allitérations – telles que la « postiche prune de Petra » – forgent des rythmes sonores presque organiques qui contrastent de façon intéressante avec l'univers froid et superficiel qui entoure Mérédith. Seule sur scène, Geneviève St Louis manie ce flot de mots avec un souffle extraordinaire. Drôle, intelligente, elle use de sa faconde pour alléger ce thème qui aurait pu s'avérer lourd. Si le prénom de l'héroïne nous fait penser à une tragédienne, c'est plutôt le sourire aux lèvres qu'on boit ses paroles moqueuses.

© Sébastien Johnson

À l'image du papillon qui s'est infiltré dans son appartement, une métamorphose se produira chez l'employée modèle. Elle délaissera son tailleur ajusté pour une nuisette plus fluide. Des visions de lierres foisonnants se multiplieront dans la nuit. Une craquelure se créera dans sa carapace. Le tout bascule alors dans un imaginaire fantasmagorique, où le public ressent encore plus intimement son besoin de se raconter, de se confier. Son besoin d'amour, de tisser des liens. Dans une société portée vers l'individualisme, il est bon que le théâtre nous rappelle l'importance des relations humaines. Cette sève qui contribue à notre bonheur et nous donne des ailes !

Mérédith
Texte de Marie-Christine Lavallée. Mise en scène de Jean-François Lapierre. Au Théâtre Prospero jusqu'au 12 mars 2016.

2 commentaires:

  1. Je suis toujours impressionnée par les comédiens qui sont seuls sur scène pour toute une pièce. Ils ont toute la pression sur les épaules et le succès ne dépend que d'eux. Cependant, je préfère quand il y a des interactions entre les comédiens sur scène.

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    1. Oui, moi aussi, ça m'impressionne toujours. Habiter la scène pendant plus d'une heure, ça doit être grisant aussi ! Bonne fin de semaine chère Marguerite :)

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