Titre : Dans le noir jamais noir
Éditeur : La Mèche
Parution : 2013
Format : 127 pages
♥
Résumé :
Il y a des moments dans la vie où les bras nous tombent, où la mâchoire nous décroche. Malgré nos prédictions, notre planification, nos idées de grandeur, on se retrouve bredouille. Dans son premier recueil de nouvelles, Françoise Major réussit à éclairer ses recoins sombres de notre mémoire affective.
En quelques pages seulement, elle braque son projecteur sur ces instants de solitude, de honte ou de déception, sur la poussière accumulée. Avec désinvolture et justesse, elle parvient à souligner, en 21 tableaux très réussis, les aspérités des relations humaines, les masques des conventions sociales. Soulever les coins des tapis. Montrer les frigos vides et la fragilité de nos cuirasses.
Ce que j'ai aimé :
« Ça aurait été le bon temps pour pleurer, mais je sentais plus rien. Je savais plus rien. J'avais frette. Le soleil était couché, mais il restait une petite ligne d'horizon rouge, à l'ouest. On voyait déjà des étoiles dans le ciel. Je me suis dit que ça se pouvait pas, des beautés de même, après ce qui venait de se passer. Je suis retournée dans la cuisine. J'ai débouché la bière à Germain. »
En évitant toutefois l'écueil du pathétisme, elle adopte rapidement la voix du protagoniste - que ce soit une femme d'affaires, un ado très pubère ou un rockeur de fin de semaine. L'auteure nous offre des petits chefs d'oeuvres de ton et de style, avec un humour bien dosé. Son écriture, puissante et syncopée, renvoie à la musique punk, par sa cadence et sa manière d'oser dépeindre la saleté de la ville, la brutalité d'une relation sexuelle. Oser espérer aussi. Car, sous cette dureté mise à nue, on ressent un grand désir de tendresse et de transparence.
Grâce à une économie de mots, elle trace les contours des vides à combler. Le temps d'un silence, d'un regard qui se baisse ou se relève, elle croque de nettes silhouettes, tout en laissant une grande liberté à notre imaginaire. Il s'agit certainement du plus beau cadeau que l'on ait offert cette année à l'avide lectrice de nouvelles que je suis.
Extrait favori :
« Je suis contente d'être à l'abri dans ma tannière. Je ne voudrais surtout pas que le téléphone sonne, devoir ressortir, peut-être mourir dans un banc de neige. J'ai oublié l'odeur du lilas, oublié les fous rires. Une lampée de gin et j'oublie mon propre nom. J'hiberne. Dans le noir jamais noir je suis calme. Dans le trois et demi qu'éclaire la neige par-delà les fenêtres, j'attends. »
Lu dans le cadre de La recrue du mois
Le mot qui me vient à la lecture de ton billet est : ambiguïté. Cette manière avec laquelle parfois l'on se sent osciller, « quand tout va mal », entre rage, désespoir et nouveau départ, ne sachant plus si ce vide devant nous fait peur ou appelle à partir vers d'autres horizons.
RépondreSupprimerJe connais peu, par ailleurs, le format des nouvelles. J'en ai lu parfois, mais sans y porter véritablement attention. Tu me donnes envie de mieux explorer cette forme d'écriture.
Merci pour ce billet. Belle soirée.
Marion
Je suis ravie que tu désires explorer le genre de la nouvelle. Nous avons de très bons nouvellistes au Québec. Françoise Major a été une révélation pour moi cette année. Elle réussit à mettre le doigt sur cet immobilisme, pourtant chargé d'émotions, que tu décris si bien. Bonne découverte ! :)
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