27 mai 2012

La mémoire de l'eau

Auteur : Ying Chen
Titre : La mémoire de l'eau
Éditeur : Leméac/Actes Sud
Parution : 1992
Format : 115 pages

Résumé :

C'est l'histoire d'une grand-mère racontée par sa petite-fille et qui nous amène à visiter 60 ans d'histoire de la Chine. Le récit débute en 1912, l'année de la chute du régime impérial, puis se termine en 1980, après la mort de Mao et avec l'exil de cette petite-fille vers New York. 

C'est un roman sur la mémoire, les traditions et la résilience de l'être humain lors de profonds bouleversements sociaux. Pour illustrer le changement, l'auteure utilise les pieds comme fil conducteur. Au départ soumis aux techniques de bandage, les petits pieds et les souliers brodés feront place aux pieds droits, suivis par les souliers à talons hauts, symboles de modernité. 

Ce premier roman de Ying Chen, tout en finesse, est un chant lyrique intimiste aux multiples voix féminines, traversant plusieurs générations.

Ce que j'ai aimé :

-Ce que j'ai trouvé le plus intéressant dans ce roman est la narration, qui passe d'un personnage à un autre. Les voix s'entremêlent et cela ajoute de la profondeur au récit.

-La poésie et la symbolique toujours présentes. On touche à des sujets brutaux, avec un certain détachement aérien. Le destin semble inévitable. Une tragédie apportée avec douceur et mélancolie. Rappelant la fluidité des films de Wong Kar-wai. Amours impossibles, exécutions secrètes, exil, le tout vécu dans une discrétion qui laisse sa part de mystères.

-Des phrases courtes et incisives. On sent la révolte sous-jacente et la force de ces femmes sous le poids des traditions. Ces traditions qui inspirent le respect, mais qui parfois enlisent comme une boue épaisse et qui pousseront la narratrice à s'envoler pour New York. C'est dans cet exil que ses souvenirs la rattraperont, comme un rêve lointain qui revient sans cesse, visité par les fantômes de ses ancêtres.

Extraits favoris :

« Elle était le fruit d'une philosophie de la moyenne. Mon arrière grand-père aimait tout ce qui était moyen : richesse moyenne, intelligence moyenne, loyauté moyenne, beauté moyenne, taille moyenne. Même pour le riz, il préférait celui de longueur moyenne. Il faut se mettre au milieu de ce monde, dirait-il plus tard à Lie Fei. C'est la position la plus stable, donc la meilleure. Et sa fille avait eu le bonheur de jouir, elle aussi, des lumières de cette sagesse. »

« La douleur s'atténua vers le lever du jour, lorsque le bateau pénétra dans le port encore sombre de Shanghai. Elle comprit que son enfant, peut-être sa fille, avait pourri dans son ventre et coulait hors de son corps avec la puanteur de son pays natal. »

« Elle se demandait comment une mère si grave, puissante même, pouvait avoir les pieds si petits. Ils lui inspiraient une sorte de compassion, une envie de pleurer. Chaque fois qu'elle voyait sa mère, le désir d'aller toucher ses pieds la torturait. Mais elle n'osait pas. Tout, chez sa mère, le frôlement de sa longue robe qui voilait ses pieds, la manière dont elle hochait la tête, la musique à la fois tendre et distante de sa voix, le lui interdisait. »

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