Titre : Griffintown
Éditeur : Alto
Parution : 2012
Format : 210 pages
Griffintown est le nom donné au quartier du sud-ouest de Montréal situé aux alentours du canal Lachine. C'est aussi l'endroit où se trouve l'écurie des chevaux de calèche du Vieux-Montréal. Dans ce roman, l'auteure nous plonge dans l'univers des cochers. Un univers qui l'a tout d'abord intriguée, puis qui s'est imiscé en elle pour devenir son principal point de repère lorsqu'elle devient elle-même cochère pendant deux étés. Ne rentre pas dans le monde de la calèche qui le veut, mais l'auteure a su se faire accepter de ces cowboys de la ville par sa connaissance des chevaux et son caractère fougueux.
Ce que j'ai aimé :
-Si vous vous intéressez au métier de cocher, c'est un livre qui nous montre vraiment leur réalité de l'intérieur. On côtoie leur quotidien et leurs déboires. Ce sont des gens marginaux, qui ont chacun leur histoire, leur passé.
-L'auteure expose très bien les difficultés causées par la gentrifrication du quartier. Plusieurs projets de condos menacent la survie des écuries. La ville rachète les permis de calèches et leur nombre diminue d'année en année.
-On ressent toute la tendresse et l'admiration que l'auteure entretient envers les chevaux. Elle décrit leur pelage comme un peintre, en les caressant du regard. Il y aussi les ciels de Griffintown qui semblent l'avoir touchée, tant à l'aurore qu'au coucher du soleil.
-J'ai aimé la poussière, la saleté, l'odeur de terre qui se dégage de l'écurie de tôle raboudinée. Le chat à trois pattes, les discussions crues, le code d'honneur de ce Far Ouest mystérieux. La témérité de cette jeune femme, son côté sauvage, ses premiers instants iniatiques lorsqu'elle tient les rênes sur les pavés, son besoin de liberté au coeur de la ville.
-J'ai aussi apprécié le côté historique du roman. Le cheval fait partie de l'histoire de Montréal et nous apprenons que ce sont des immigrants irlandais qui ont fondés les premières écuries. Un livre qui a ravivé en moi le désir de connaître l'histoire de Montréal et de ses quartiers.
Extraits favoris :
« Il y a dans la posture de Marie et dans la longueur de son cou un rappel de la noblesse gracile et du port de tête des pouliches encore tièdes du flanc de leur mère, de celles qui ne viennent pas à Griffintown. »
« Malgré l'heure matinale, la jument semble bien disposée, placide et calme, fidèle au tempérament de sa race. Il regarde en direction des nuages : douces traînées de brume sur un ciel se déclinant de pastel à plombé. La lumière provient du sud-est, comme si elle tirait sa vigueur des néons de l'entrepôt Costco, et naissait d'un coin de la ville que Billy connaît trop bien. »
« Dans son box, Champion, fourbu, allongé sur le flanc, dort si profondément qu'il en ronfle. Marie l'imagine poulain, menue créature aux crins duveteux réfugiée dans le flanc de son immense mère belge aux pis gorgés. C'est lorsque les chevaux s'étendent sur le sol pour écouter les vérités emprisonnées dans la terre que Marie entrevoit ce qu'ils ont été avant d'échouer à Griffintown. »
« L'aube complice projette sa lumière laiteuse devant eux, guidant leurs pas. Il n'y a plus d'âme qui vive dans la vieille ville. Ils longent le canal de Lachine et la rue de la Commune, puis John quitte Marie aux confins du territoire. Elle lui adresse un sourire indéchiffrable avant de remonter sur son vélo et de filer à toute allure sur la piste cyclable de la rue Berri. Le cow-boy désoeuvré, sans monture, reste immobile un long moment à regarder Marie disparaître, avant de repartir vers le village fantôme dont les rues sont à cette heure arpentée par les sabots muets de chevaux de brume. »
« Noirs et étincelants, protégés par une fine couronne de cils roux, les yeux de Poney brillent d'une intelligence sensible et intuitive. Dans leur profondeur, Marie décèle quelque chose d'encore ensauvagé. Les yeux des chevaux sont des bijoux anciens, songe-t-elle. »
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