Anabiose

Auteur : Claudine Dumont

Titre : Anabiose

Éditeur : XYZ

Parution : 2013

Format : 164 pages

Résumé :

Dans ce premier roman, Claudine Dumont nous offre un thriller psychologique trépidant sur le retour à la vie d'Emma. Dans une impasse, elle boit trop d'alcool, n'aime pas son travail et évite tout contact social. Un soir, deux inconnus se présentent dans sa chambre pour l'enlever. Silence, noirceur, perte de conscience. Elle se réveille, en isolement complet, enfermée dans un endroit qu'elle n'a jamais vu auparavant. Une pièce vide, en béton.

Ce que j'ai aimé :

À partir de ce moment, je me suis demandé comment l'auteure allait réussir à rendre cette vacuité intéressante. En apportant toujours des variations, en ajoutant de nouveaux éléments, elle parvient à nous tenir en haleine jusqu'à la fin, l'intrigue étant soutenue par un style étonnant, étourdissant de précision.

Claudine Dumont utilise de courtes phrases, séparées par un point. Cette ponctuation s'avère idéale pour mettre en évidence l'espace-temps en termes de millisecondes, l'action en micromouvements. Ces fragments épousent le quadrilatère de la cellule et expriment parfaitement la nervosité de la narratrice. J'ai aussi apprécié l'emploi des répétitions, servant judicieusement le contexte de ces journées sans fin.

« Je ne dors pas. Je ne suis pas réveillée. Je me réveille, mais je n'ai pas dormi. J'ai soif. J'ai peur. J'ai soif. Ce n'est plus de la soif. C'est un état. C'est tout ce que je suis. Déshydratée. »

Dans cette suite d'éveils et de sommeils, Emma émerge et entreprend une lente renaissance à son identité. Cet isolement forcé la renvoie à son sentiment d'inaptitude, à ces stratégies d'évitement qu'elle entretenait au-dehors. Tel un animal en cage, nous avons l'impression qu'elle s'observe selon une caméra en plongée, qu'elle épie chacune de ses réactions. Pourquoi ne ressent-elle pas de la colère ? Pourquoi ne pense-t-elle pas à s'enfuir ? Cette expérience lui fait prendre conscience de sa propre soumission, de son manque de courage. Un changement, déjà.

J'ai trouvé ce premier opus de Claudine Dumont particulièrement captivant, car il exploite intelligemment les notions spatiales, temporelles et corporelles. La romancière apporte un aspect physique au récit en jouant avec la perte des sens et des facultés : la soif, la parole, la vue, le toucher. Les conditions extrêmes entourant sa captivité rappelle à la protagoniste les simples plaisirs du monde réel : boire un verre d'eau, voir le lever du soleil, sentir le vent sur sa peau. Par la portée de ce message, ce qui aurait pu être qu'une suite d'événements digne d'un suspense américain révèle plutôt une voix unique sur l'importance d'exister pleinement, dès maintenant.

Extraits favoris :

« Une lumière blanche explose. Dans ma tête. Douleur. Je me redresse d'un bond en hurlant. J'ouvre les yeux. Déséquilibre. Je suis dans une pièce vide. Il n'y a pas de fenêtre. J'ai soif. À mes pieds, il y a un matelas. À même le sol. Gris. Propre. Rien d'autre. »

« Mon coeur. Je n'ai jamais entendu mon coeur avant. Il ne battait pas assez fort. C'est le silence. Il a sa place dans le silence. Je l'entends. Et il n'est que battements, mais il bat au rythme de ce désir hurlant : deux gorgées d'eau. Je veux boire. Je suis paralysée. Par le souvenir d'il y a huit minutes. Par ma réalité d'il y a huit minutes. La réalité où il n'y avait pas d'eau. La réalité où il n'y aura plus d'eau. Je reste là, j'observe. Je ne bouge pas. Le silence dans ma tête. Oublier la peur. Le silence. Et l'eau. »

Lu en duo avec Philippe dans le cadre de La recrue du mois