Titre : Ce que disait Alice
Éditeur : L'instant même
Parution : 1989
Format : 163 pages
Résumé :
D'abord connu pour sa poésie et sa contribution au formalisme, Normand de Bellefeuille publie un premier recueil de nouvelles, Ce que disait Alice, couronné par le Prix Adrienne-Choquette et le Prix de la nouvelle de Radio-Canada en 1989. Devenu un classique du genre, cette oeuvre s'inscrit dans la période de l'avènement de la nouvelle québécoise, au milieu des années 1980. En effet, entre 1970 et 1980, la production passe de 10 à 30 recueils par année. Comme plusieurs nouvellistes de cette époque, Normand de Bellefeuille cherche à expérimenter les techniques narratives, tel que présenté de façon ingénieuse dans son présent ouvrage.
Ce que j'ai aimé :
-Ce recueil comporte 35 courtes nouvelles, entre deux et cinq pages, réunies autour du thème de la lubie, de l'idée fixe. Il s'ouvre sur un premier instantané, La maladie des dénombrements, décrivant l'obsession d'un homme pour le chiffre cinq. Cette monomanie se reflète même dans l'architecture du recueil, se divisant en sept sections de cinq nouvelles. On peut constater que Normand de Bellefeuille a apporté une attention particulière à l'organisation des textes, autre trait distinctif de cette nouvelle génération d'écrivains.
-La densité de ces brèves histoires se prête à la démonstration de préoccupations obsédantes, formant souvent une boucle à la fin de la nouvelle. D'une famille déstabilisée par un service de table dépareillé à un individu ne voulant pas manquer l'arrivée du courrier, l'action se situe ordinairement dans un trouble intériorisé, une solitude, une fuite. On passe à deux reprises à des hantises collectives, concernant la guerre froide et la menace nucléaire, mais elles sont vécues intimement.
-Chaque segment se termine par un clin d'oeil à Alice, la grand-mère du narrateur. Ces épisodes offrent des moments de respiration, en nous plongeant dans des souvenirs de famille, tantôt humoristiques, nostalgiques ou fantastiques. Contrairement aux autres récits, ancrés dans un instant précis et intense, les interventions d'Alice amènent une légèreté bienvenue, et certainement intentionnelle, à l'ensemble.
-L'écriture de Normand de Bellefeuille fait preuve d'inventivité, en utilisant la reprise d'un passage comme un refrain musical ou en concluant sur un trait d'esprit. L'auteur possède un style classique, fait de phrases minutieusement travaillées, auxquelles on pourrait reprocher un manque de naturel, mais qui généralement nous séduisent par leur justesse et leur finesse. Un incontournable !
Extraits favoris :
« Il arrive, je le crois vraiment, que la mémoire ne serve qu'à cela : une phrase, le rythme particulier d'une certaine phrase, unique entre toutes, banale parfois, souvent insignifiante, seule et irremplaçable pourtant dans l'économie que chacun, immanquablement, cherche à faire des phrases de toute une vie. »
« Il est vrai que le mot avait hanté presque toute son enfance. Ne le disait-on pas presque beau, presque trop petit, presque maigre, mais presque intelligent aussi ? Il avait donc finalement presque grandi avec cette conscience aiguë et douleureuse de n'être jamais tout à fait suffisamment ceci ou suffisamment cela, ce qui devient avec l'adolescence évidemment, cet âge des plus affligeantes incertitudes, presque invivable. »
Lu dans le cadre de Québec en septembre
J'ai lu cet auteur, également directeur littéraire, une seule fois et, en effet, je trouve ta remarque juste, on ne peut pas traiter son style de naturel mais certainement de juste et précis.
RépondreSupprimerCe serait bien ma première expérience du genre de lire une si grande quantité de nouvelles et inévitablement, brèves. J'aime le fait qu'il y ait un concept, et j'aime aussi l'idée de la légèreté du propos d'Alice, la grand-mère. De toutes manières, j'aime les grands-mère.
Je me suis demandé si cela ne serait pas une bonne lecture pour un illustrateur. Tant de nouvelles doivent fournir des images fortes, à un bédéiste par exemple ;-)
Ah, moi aussi j'aime les grand-mères, même qu'il faudrait bien que j'écrive un petit billet sur les miennes, un bon jour :)
SupprimerIl y a une nouvelle que j'imagine parfaitement en bédé. C'est un homme qui marche dans un parc. Il a une dent contre les coureurs et se met à la poursuite d'un d'entre eux, pour se rendre compte qu'il retire un bien fou dans le fait de courir en toute liberté. Celle-là, ce serait du bonbon :)
Ne pas oublier que ce livre a été écrit en 1989. Le style change avec les années, notre façon de lire doit s'y adapter.
RépondreSupprimer(Me choque, depuis que Google Reader est mort, Netvibes ne me dit pas le jour même quand tu publies un nouveau billet. Pourtant tu es inscrite dans mon lecteur de flux. Grrrr... D'où mon retard parfois à venir commenter)
Oui, ne pas prendre le temps de le faire consisterait à se priver d'une oeuvre remarquable ! Merci de ta visite, chère Claude :)
SupprimerHeureusement que tu en dis du bien car ces obsessions semblent un peu étouffantes.
RépondreSupprimerCertaines sont plus tristes, d'autres plus joyeuses, voir absurdes. Mais, j'ai aimé chacune d'elles, car elles sont vraiment très bien construites !
SupprimerBonjour Topinambulle, et merci pour ton gentil passage chez moi, pour mon retour ! c'est vrai que j'ai pris des vacances prolongées mais c'est avec plaisir que je retrouve les lectures de blog... et je ne connais pas du tout cet auteur !
RépondreSupprimerJe suis ravie de te lire à nouveau, chère Rose. Je te souhaite un bel automne et de bonnes lectures ! :)
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