9 septembre 2015

L'encyclopédie du petit cercle

Auteur : Nicolas Dickner
Titre : L'encyclopédie du petit cercle
Éditeur : L'instant même
Parution : 2000
Format : 120 pages

Résumé :

Dans l'avant-propos, le narrateur nous révèle la genèse de ce recueil de nouvelles. Il aurait déniché L'encyclopédie du petit cercle chez un bouquiniste. Relié en quatre volumes, cet ouvrage « borgésien » contient des définitions surprenantes, que l'auteur épluchera avec sa copine Karyne, une grande voyageuse de passage à Québec. Repartie au point du jour avec trois tomes de savoir sous le bras, Karyne déclenche le processus créatif de l'écrivain. Dix nouvelles ont découlé de sa disparition, chacune d'elles étant précédée d'un épigraphe tiré de l'encyclopédie. Ces histoires nous transportent soit vers l'ailleurs, du désert africain au Grand Nord québécois, soit dans un imaginaire sans frontières, sur des ailes d'atlas broyé.

Ce que j'ai aimé :

À la première lecture, j'ai été charmée par les thèmes du recueil. On retrouve des personnages marginaux qui sont animés par une quête, un désir de voyage, de découverte de soi. J'ai tout de suite basculé dans les différents univers imaginés par Nicolas Dickner, grâce à une plume où se mêlent l'érudition et l'abracadabrant. Me laissant porter par la spirale des mots, je me croyais tour à tour dans l'atelier d'un savant fou, d'un géographe, d'une astronome. Lors d'une deuxième lecture, je me suis attardée à la structure du recueil et j'ai été ébahie ! Plusieurs éléments permettent d'unifier les fragments et de leur donner un effet de roman. Tout d'abord, les extraits de l'encyclopédie forment une sorte de récit-cadre et mettent en place la réception de l'œuvre. De plus, l'auteur utilise des noms récurrents pour ses protagonistes. Karyne est présente à de multiples reprises, sous des visages changeants. De menus détails (cartes, étoiles, voiliers) créent une continuité intéressante.

Nicolas Dickner nous offre donc un ouvrage brillamment construit, codé comme un jeu de piste que le lecteur est appelé à déchiffrer. J'ai apprécié cette part de mystère, ce réseau de récurrences, qui donnent lieu à d'autres couches de sens. J'ai l'impression que je pourrais relire ce recueil et y découvrir de nouveaux éléments. Cette fois-ci, celui qui m'a le plus fascinée se rattache au « petit cercle » du titre. D'abord, l'auteur utilise des procédés stylistiques qui produisent un effet circulaire. Les objets qu'il met en scène s'avèrent souvent de forme ronde : puit, phare, horloge, globe. Parfois, c'est écrit noir sur blanc dans le texte : « petits cercles de métal », « danser en cercles », « voler en cercles », « décrit une longue courbe », « éclate au zénith d'une longue courbe ». La forme rejoint aussi le fond, puisqu'il est question des grands cycles de l'humanité dans La clé des vents. De plus, les personnages semblent tourner en rond dans leur quête, jusqu'aux chutes des nouvelles qui apportent régulièrement une issue, une ouverture, de belles envolées. En somme, j'ai tout simplement adoré cette lecture, qui reste à la fois complexe et fluide, intime et biscornue !

Extraits favoris :

« Les cartographes ne cessent de projeter le monde à gauche et à droite comme s'ils en étaient abstraits. J'y suis, moi, dans le monde, et n'en veux surtout pas sortir. Chaque soir, je rends mon culte à Madagascar, cartes en main, et lorsqu'il n'y a plus suffisamment de lumière pour déchiffrer les petits caractères de Tananarive, Tampoketsa et Fort-Dauphin, je me glisse dans mon lit en rêvant d'arbres à pain et de pluies tropicales. »

« Des centaines de villes, camouflées durant le jour, émergeaient lentement du sable, lourdement habillées d'échangeurs routiers, cernant les voyageurs de leurs innombrables lumières au mercure, rotatives, filiformes, halogènes, tubulaires et hypnotiques. Gorde et Gotop se serrèrent l'un contre l'autre. Par-dessus la multitude des lumières se dressaient de hauts panneaux publicitaires au néon rouge et clignotant, pièges automatiques à papillons de nuit, où grésillait sans cesse le même mot : Alexandrie, Alexandrie, Alexandrie... »

Lu dans le cadre de Québec-o-trésors


8 commentaires:

  1. J'avais beaucoup aimé moi aussi ces rappels d'un chapitre à l'autre, ce qui donne moins l'effet de nouvelles séparées (ce que j'aime moins en général). Par contre je n'avais pas remarqué ces motifs de cercles qui reviennent, c'est génial!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Grominou de m'avoir fait découvrir ce livre ! Oui, sa façon d'unifier le recueil est très chouette. Maintenant, je veux tout lire de cet auteur :)

      Supprimer
  2. C'est le seul bouquin de Dickner que je n'ai pas lu. La lecture de ton billet me donne très envie de corriger le tir!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'avais bien aimé Nikolski et il y a une certaine ressemblance dans la fragmentation de la narration. J'imagine que son dernier est encore plus abouti, mais si tu t'intéresses à la source de son parcours d'écrivain, celui-ci devrait te plaire !

      Supprimer
  3. J'ai particulièrement aimé Révolutions, qu'il a écrit à 4 mains avec Dominique Fortier. Je n'ai pas encore lu son dernier, je l'ai réservé à la bibli, j'attends mon tour!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci de la suggestion Grominou. Un livre à 4 mains avec Dominique Fortier, ce ne peut être que bien ! J'espère que tu pourras bientôt lire son dernier. Il me tente aussi, mais je veux étirer le plaisir un peu ;)

      Supprimer
  4. Dickner oui mais des nouvelles, je ne sais pas... Je ne suis toujours pas fan malheureusement.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je crois que le thème des voyages te plairait. Mais, malgré une grande unité dans le recueil, ce sont tout de même des nouvelles. Du coup, je ne sais pas trop si tu aimerais. Tu pourrais peut-être le feuilleter à la bibli pour voir si la magie opère :)

      Supprimer