15 décembre 2014

Vestiges

Auteur : Véronique Bossé
Titre : Vestiges
Éditeur : Lévesque éditeur
Parution : 2014
Format : 182 pages

Résumé :

Dans son premier recueil, Véronique Bossé nous offre 11 nouvelles d’esthétique réaliste et poétique, s’attardant aux préoccupations quotidiennes de couples ou de gens seuls, jeunes ou âgés, habités par l’idée de la trace. Que ce soit des souvenirs, des cicatrices, des rides, des trahisons, l’auteure plonge dans ces blessures intimes, qui font partie de l’expérience humaine. Elle dresse le portrait d’un monde fragmenté, intransigeant, se laissant parfois traverser par un courant fluide, par le déversement torrentiel du changement ou du désir. Avec des titres comme Stigmates, Legs, Archives, elle s’infiltre dans les détails, les petites fissures, les strates de sens.

Ce que j'ai aimé :

Le recueil s’ouvre sur un texte intitulé Ça aussi, mettant en scène un jeune pianiste devant surmonter une difficulté physique. Sa professeur lui inspirera la grâce, afin qu’il abandonne son corps à la musique, dans un mouvement limpide et dégagé. Entre les touches du piano et celles du clavier de l’ordinateur, on peut y voir une allégorie de l’écriture. « La zone de contact du clavier et des doigts tient à la fragilité des quelques millimètres qui trouvent le rythme juste, l’intensité qu’il faut, le moment, surtout », nous dévoile Lucas. D’ailleurs, ce souci du rythme s’avère l’une des forces de la plume de Véronique Bossé, soulevée par de multiples virgules, tel un flot de pensées ininterrompues.

À ce propos, la nouvelle Archives demeure la plus réussie. Par son introspection psychologique, elle m’a légèrement rappelé le roman Putain de Nelly Arcan. Tout de même, Véronique Bossé possède un souffle qui lui est propre, insérant des pointes d’humour, multipliant les changements de ton. Un déluge de mots éclaboussant la conformité, l'embarras, les maux du siècle. Le résultat aurait pu devenir trop touffu, mais la nouvelliste nous emporte dans son élan et termine sur un joli vol plané. Dans Legs et Ça aussi, on apprécie ces chutes fortes qui nous feront relire l’histoire en entier pour en saisir la clef. Tandis que Relents affiche un bel exemple de retour à la case départ, lorsqu’une mère de famille renonce à son amant.

D’autres récits m’ont moins séduites, tel que Torrents qui aurait gagné à être resserré. De plus, certains personnages m'ont semblé caricaturaux, comme cette bibliothécaire rangée et ce portier guindé. Toutefois, plusieurs d’entre eux ressurgissent dans la dernière nouvelle, Carrefour, ce qui permettra à l’auteure de porter un éclairage différent sur leur destin. Cette conclusion m’a charmée, puisque nous retrouvons deux vieillards croisés dans Legs. Grâce à leur calme, ils apportent une réflexion sur les gens qui courent sans cesse, donnant un nouveau sens au souffle haletant du recueil. Malgré des hauts et des bas, j’ai apprécié cet ouvrage pour son style, ainsi que son regard à la fois aiguisé et délicat sur l'humain.

Extrait favori :

« Rien n'est plus de notre ressort parce que nous ne courons plus. Au fond, toute notre vie, nous avons lutté pour être ceux qui impriment les traces, pour le faire avant les autres, pour le faire mieux, pour effacer les marques des autres et celles de la vie, pour décider ce que nous voulons être et montrer. Aujourd'hui, nous sommes deux toiles maculées. On fera de nous ce qu'on voudra bien, la résistance n'est plus de notre âge, nos muscles ne retiennent plus rien. Au rez-de-chaussée de notre existence, rien ne nous menace, surtout pas l'angoisse de la chute. »

Lu dans le cadre de La recrue du mois


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