Titre : Retraite
Éditeur : Boréal
Parution : 2014
Format : 200 pages
Résumé :
« Me voici donc seul sur la terre, n'ayant plus de frère, de prochain, d'ami, de société que moi-même », constatait Rousseau dans ses Rêveries. Les protagonistes de ce recueil de nouvelles - observateurs solitaires, marcheurs crépusculaires - s'accordent aux pensées du philosophe, recherchant l'isolement. En ce sens, Renaud Jean se positionne à contre-courant de son époque, où les réseaux sociaux et les sorties branchées sont la norme. Le nouvelliste privilégie plutôt l'introspection, la lenteur. Le jeune écrivain, né en 1982, semble posséder une « vieille âme » qui se reflète dans sa plume juste et posée.
« Je préférais me tenir à la lisière du monde, en retrait de l'action. »
« Je préférais me tenir à la lisière du monde, en retrait de l'action. »
Le temps de neuf nouvelles, il nous transporte dans deux univers qui se répondent : un monde fantastique, rappelant pourtant des situations familières, et des histoires réalistes, urbaines, mais teintées d'un étrange décalage. Le recueil s'ouvre sur une courte nouvelle, En station, dans laquelle des touristes s'aventurent vers une destination inconnue. Cette gare, perdue au milieu de la campagne, semble tirée d'un film de science-fiction, alors que des structures métalliques s'opposent à la quiétude des lieux. En décrivant le travail routinier du narrateur, l'auteur critique le marché de l'emploi, où les répétitions obstruent l'horizon d'une vie meilleure. On retrouve ce thème dans quelques autres nouvelles, ainsi qu'un sentiment de lassitude, de vide. Ce désœuvrement apparaît également dans les paysages nordiques ou désertiques qu'il met en scène.
Malgré cette mélancolie, le ton de Renaud Jean possède une douce ironie, un humour subtil que j'ai beaucoup apprécié. Dans Trois visites, il décrit la visite d'un condo modèle par un couple de trentenaire dépareillés : elle s'imagine dans un loft contemporain, tandis qu'il préfère la liberté d'être locataire. Dans Déménagement, l'appartement du personnage central se voit envahi par une foule de gens, alors qu'il n'a pas préparé une seule boîte. Dans Compagnie, un Montréalais est pris de vertiges, après avoir réalisé l'expansion accélérée du cosmos au Planétarium.
Éloge de l'oisiveté, du songe, Retraite prête souvent la parole à des êtres apathiques, mais extrêmement conscients et sensibles. Cela donne lieu à de très belles réflexions sur le temps qui passe, sur la vacuité de l'existence. Ces nouvelles, oscillant entre inquiétude et apaisement, expriment avec subtilité une intériorité qui se révèle plus aisément lors des moments calmes et silencieux. Je crois que plusieurs lecteurs se reconnaîtront dans cette part d'insaisissable, qui traverse le recueil et qui émerge aussi parfois dans notre quotidien.
À savourer tranquillement !
À savourer tranquillement !
Extrait favori :
« Nous avons marché côte à côte en restant silencieux. Opaques l'un à l'autre. Il était né en 1919. Cela me semblait fabuleux. J'ai pensé que, même en le questionnant pendant des heures, je n'approcherais jamais que de très loin la vérité de sa vie. »
Lu dans le cadre de La recrue du mois
J'ai beaucoup aimé ce recueil, moi aussi! J'ai été charmée par la plume.
RépondreSupprimerMoi aussi, j'ai trouvé sa plume très belle et apaisante. Vivement le prochain ! :)
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