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J'ai débuté la lecture du recueil de textes critiques pour le cours LIT-4005. À l'occasion, je viendrai partager quelques notes sur ces articles traitant du roman d'amour.
Ce premier texte de Massimo Fusillo analyse le roman d'amour antique. Il sonde le thème du coup de foudre, en rapportant les traits constitutifs et les exceptions dans quatre romans grecs.
Source bibliographique : Fusillo, Massimo. « Naissance de l'amour », Naissance du roman, Paris, Seuil, 1991, p. 212-223.
Quatre romans d'amour grecs :
-Chairéas et Callirhoé de Chariton
-Les Éphésiaques de Xénophon d'Éphèse
-Leucippé et Clitophon d'Achille Tatius
-Les Éthiopiques d'Héliodore
-L'opinion selon laquelle le regard est le véhicule de l'amour était bien ancrée dans la culture antique. On la rencontre aussi bien dans les travaux des médecins et des philosophes que dans la poésie, le lyrisme et la tragédie.
-C'est au roman grec que l'on doit sa cristallisation en une scène rituelle. Il a donné la valeur absolue d'un mythe à ce moment inaugural de l'histoire amoureuse.
-« Nous aimons d'abord un tableau », dira Roland Barthes. Dans les romans grecs, la beauté réside principalement dans les yeux. L'image qui hante le souvenir est toujours celui du premier regard.
Lieu
-La première rencontre entre les deux amants a souvent lieu lors d'une fête religieuse : fête d'Aphrodite chez Chariton, fête d'Artémis chez Xénophon.
-Il s'agit surtout d'une raison sociologique, car ces fêtes permettaient des échanges entre les hommes et les femmes dans une société où ces dernières étaient tenues à l'écart. Cela confère aussi à l'événement un retentissement public.
-Le roman d'Achille Tatius fait exception, car Clitophon aperçoit Leucippé alors qu'elle vient passer quelque temps dans sa maison. Cela confirme sa particularité de comédie « bourgeoise ».
Effet
-L'effet de l'amour est instantané, violent, magnétique et hypnotique. Il frappe des jeunes gens qui résistaient à l'éros jusqu'à maintenant. Les héros sont souvent inexpérimentés et considèrent la virginité comme une valeur sacrée.
-La logique de l'inconscient et des émotions est étrangère au réseau spatio-temporel. Elle ignore la continuité et la succession, d'où la particularité dans le langage amoureux d'engagements pour l'éternité et du sentiment de s'être toujours connus.
-La naissance de l'amour chez les protagonistes produit la fascination, une paralysie mentale qui débouche sur l'aphasie. Comme symptôme physique, on retrouve aussi la commotion. Éros est vu comme une force extérieure qui attaque sans prévenir.
Divinité
-Le roman de Chariton insiste sur la réciprocité du sentiment amoureux et sur le rôle de la divinité. Comme la flèche de Cupidon de la tradition antérieure ou le philtre d'amour de Tristan et Yseut, cette intervention extérieure sert d'alibi à la passion.
-Platon a réinterprété le thème du délire amoureux à la lumière de l'immortalité de l'âme, déchue par la corruption. Quand un homme rencontre la beauté, son âme retrouve ses ailes et se souvient du passé où elle était en contact avec la vérité. Il ne peut plus vivre ailleurs qu'auprès de cette personne qui le ramène au divin.
-Dans la réinterprétation philosophique du genre romanesque, la naissance de l'amour résulte d'une prédestination divine. Les amants se reconnaissent plus qu'ils ne font connaissance.
Échange
-Le critique littéraire Jean Rousset a nommé la deuxième phase : « l'échange ». Les héros oublient les freins de la pudeur virginale et s'envoient des signaux. Par exemple, le roman d'Héliodore met l'accent sur l'échange par indices : rougeur, pâleur, changement continuel de la couleur du visage.
Franchissement
-L'extase du coup de foudre est suivie d'une réaction où se manifeste la maladie d'amour : nuits sans sommeil, dépérissement physique, pensées obsessionnelles, perte de l'intérêt pour le monde extérieur.
-Chez Chariton et Xénophon, cette situation apparemment sans issue, où les deux amants n'arrivent pas à avouer leur amour, est débloquée par une intervention extérieure qui conduit au mariage.
-Dans les deux autres romans, la prise de conscience est le résultat d'un processus dialectique : stratégie de séduction chez Achille Tatius et démarche cognitive chez Héliodore.
Quatre romans d'amour grecs :
-Chairéas et Callirhoé de Chariton
-Les Éphésiaques de Xénophon d'Éphèse
-Leucippé et Clitophon d'Achille Tatius
Topos du coup de foudre
-C'est au roman grec que l'on doit sa cristallisation en une scène rituelle. Il a donné la valeur absolue d'un mythe à ce moment inaugural de l'histoire amoureuse.
-« Nous aimons d'abord un tableau », dira Roland Barthes. Dans les romans grecs, la beauté réside principalement dans les yeux. L'image qui hante le souvenir est toujours celui du premier regard.
-La première rencontre entre les deux amants a souvent lieu lors d'une fête religieuse : fête d'Aphrodite chez Chariton, fête d'Artémis chez Xénophon.
-Il s'agit surtout d'une raison sociologique, car ces fêtes permettaient des échanges entre les hommes et les femmes dans une société où ces dernières étaient tenues à l'écart. Cela confère aussi à l'événement un retentissement public.
-Le roman d'Achille Tatius fait exception, car Clitophon aperçoit Leucippé alors qu'elle vient passer quelque temps dans sa maison. Cela confirme sa particularité de comédie « bourgeoise ».
© Musée du Louvre |
-L'effet de l'amour est instantané, violent, magnétique et hypnotique. Il frappe des jeunes gens qui résistaient à l'éros jusqu'à maintenant. Les héros sont souvent inexpérimentés et considèrent la virginité comme une valeur sacrée.
-La logique de l'inconscient et des émotions est étrangère au réseau spatio-temporel. Elle ignore la continuité et la succession, d'où la particularité dans le langage amoureux d'engagements pour l'éternité et du sentiment de s'être toujours connus.
-La naissance de l'amour chez les protagonistes produit la fascination, une paralysie mentale qui débouche sur l'aphasie. Comme symptôme physique, on retrouve aussi la commotion. Éros est vu comme une force extérieure qui attaque sans prévenir.
-Le roman de Chariton insiste sur la réciprocité du sentiment amoureux et sur le rôle de la divinité. Comme la flèche de Cupidon de la tradition antérieure ou le philtre d'amour de Tristan et Yseut, cette intervention extérieure sert d'alibi à la passion.
-Platon a réinterprété le thème du délire amoureux à la lumière de l'immortalité de l'âme, déchue par la corruption. Quand un homme rencontre la beauté, son âme retrouve ses ailes et se souvient du passé où elle était en contact avec la vérité. Il ne peut plus vivre ailleurs qu'auprès de cette personne qui le ramène au divin.
-Dans la réinterprétation philosophique du genre romanesque, la naissance de l'amour résulte d'une prédestination divine. Les amants se reconnaissent plus qu'ils ne font connaissance.
Échange
-Le critique littéraire Jean Rousset a nommé la deuxième phase : « l'échange ». Les héros oublient les freins de la pudeur virginale et s'envoient des signaux. Par exemple, le roman d'Héliodore met l'accent sur l'échange par indices : rougeur, pâleur, changement continuel de la couleur du visage.
Franchissement
-L'extase du coup de foudre est suivie d'une réaction où se manifeste la maladie d'amour : nuits sans sommeil, dépérissement physique, pensées obsessionnelles, perte de l'intérêt pour le monde extérieur.
-Chez Chariton et Xénophon, cette situation apparemment sans issue, où les deux amants n'arrivent pas à avouer leur amour, est débloquée par une intervention extérieure qui conduit au mariage.
-Dans les deux autres romans, la prise de conscience est le résultat d'un processus dialectique : stratégie de séduction chez Achille Tatius et démarche cognitive chez Héliodore.
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