16 août 2013

Le pavillon des miroirs

Auteur : Sergio Kokis
Titre : Le pavillon des miroirs
Éditeur : Lévesque éditeur
Parution : 2010
Format : 352 pages



Résumé :

Le premier roman de Sergio Kokis, Le pavillon des miroirs, a remporté de nombreux prix lors de sa parution en 1994 et est considéré comme un classique de l'écriture migrante au Québec. Le narrateur évoque son statut d'exilé dans un pays nordique et les souvenirs de son enfance au Brésil. Pour se libérer des images de son pays natal, il peint des toiles fantasmagoriques dévoilant des cadavres, des enfants, des clochards. L'artiste éprouve un soulagement à graver ces réminiscences sous forme de tableaux, puisqu'elles semblent les seules spectatrices de sa solitude et de son inconfort d'étranger.

Ce que j'ai aimé :

« Dans cette existence d'exilé qui est la mienne, seules certaines images mentales insolites gardent les couleurs et le mouvement qu'elles avaient au moment où elles se sont imprimées dans mon esprit. Comme des traumatismes. »

La majorité du roman se déroule dans la réalité magique et carnavalesque du Brésil. Le narrateur revisite son passé dans une écriture empreinte de chaleur moite, de pigments irisés et de fièvre. Le contraste entre la beauté et la laideur, ainsi que le métissage culturel, transpire du milieu défavorisé de Rio de Janeiro. La religion catholique côtoie les cultes afro-brésiliens, les images saintes se mêlent aux filles des bordels. Nous avons cette impression de participer à une fête foraine, croisant des masques et des costumes, des visages transformés par l'extase ou l'agonie.

L'entrée au pensionnat forme une scissure dans la naïveté du jeune homme. Avec ses camarades de classe, il entreprend un long voyage vers le nord du vaste territoire brésilien. La région de Bahia le confronte au sentiment d'être touriste en son propre pays, puisqu'il ignore encore tout de ces paysages de sécheresse, de cet héritage amérindien et de cette pauvreté rurale. Cigarette au bec, il devient un adolescent retiré dans son mutisme. Nous présageons dès lors, en voyant la progression de son silence, l'ultime périple qu'il fera vers cette lointaine contrée de givre, si différente de ses origines par sa modernité et son aisance financière.

« L'exil m'a alors permis de découvrir que je ne souffrais pas comme les autres, qu'au contraire j'avais toujours été étranger, partout. Possédant le mimétisme des êtres de nulle part, j'enfilais la carapace protectrice derrière laquelle je pouvais regarder à loisir et collectionner mes visions. »

J'ai été captivée par le style foisonnant et l'imagerie baroque de ce texte qui a su, malgré tout, conserver une nature très fluide. Depuis cette première parution, Sergio Kokis a publié une vingtaine d'ouvrages, incluant deux recueils de nouvelles. Son écriture puissante a certainement apporté une grande richesse à la littérature québécoise, explorant l'âme humaine et la fébrilité de la vie, avec pulsion et clairvoyance. Je ne peux que vous inviter à découvrir ce premier roman inoubliable, qui dévoile le charme unique de la société brésilienne.

Extrait favori :

« Partout des cages d'oiseaux bizarres, du noir le plus bleu jusqu'aux plumes multicolores qui se déplacent comme des fleurs secouées. La mélodie de leurs chants est particulièrement intense, cacophonique et rafraîchissante à la fois, comme dans une forêt. »

Lu dans le cadre de La recrue du mois


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